Olivier Ertzscheid nous offre une synthèse très compléte sur les réseaux sociaux.
Je lui emprunte cette citation de Danah Boyd, qui a trait à la gestion de l’identité numérique et à celle de la distinction espace public /espace privé :
– la persistance : ce que vous dites à 15 ans sera encore accessible quand vous en aurez 30 …
– la searchability (littéralement, capacité à être recherche/retrouvé) : avant les réseaux sociaux, votre mère ne pouvait pas savoir où vous étiez en train de faire la fête avec vos amis ou ce que vous pensiez d’elle. Maintenant … c’est possible.
– la reproductibilité : ce que vous avez dit/publié/posté/photographié/filmé peut être recopié et replacé dans un univers de discours totalement différent.
– les audiences invisibles : la médiation particulière que constituent ces réseaux sociaux et la conjugaison des trois critères précédemment cités fait que la majorité des publics/destinataires est absente au moment même de la médiation (= la transmission du message = par exemple, la publication d’un message texte), créant ainsi un effet non pas simplement de voyeurisme mais une temporalité numérique particulière.
J’ai été surprise que les « réseaux sociaux » soient encore apparemment peu connus dans le monde de l’éducation. Peu connus, ou peu observés, car assimilés aux « inévitables pratiques des ados », pratiques que l’école devrait « bien se garder d’encourager ». Bonne idée. Les ados savent ce qu’ils ont à faire, c’est bien connu. Peu importe si Marion ne saura absolument pas comment s’y prendre dans quelques années pour faire disparaître cette page qu’elle a elle-même publiée, où sa photo, prise dans une soirée, tenant une bouteille à la main, porte une légende gênante pour elle. Les employeurs « googelisent » les candidats, c’est aujourd’hui systématique. Il peut s’avérer très cruel que les années d’apprentissage laissent des traces visibles, publiques et indélébiles. Gérer son identité numérique n’a rien d’un snobisme geek. C’est une vraie question, pour de très nombreux ados, et qui les aidera à le faire, si les enseignants s’en désintéressent ?
Bonjour Virginie,
«Gérer son identité»… voilà qui résume tout. Comme c’est le cas trop souvent dans le milieu scolaire, on s »empresse d’interdire ou de censurer mais on se préoccupe très rarement d’éduquer et de réfléchir avec les jeunes.
Je me suis inscrit sur Facebook pour comprendre le phénomène, pour en arriver à dégager les forces et faiblesses de cet environnement et aussi pour dégager des questions qui pourraient être pertinentes à poser aux jeunes pendant leur parcours scolaire.
« Une économie de l’accès »…
A la lecture de cette synthèse, j’ai cette impression diffuse de ne pas toujours être en mesure de distinguer entre ce qui relève ou pas du réseau :
– le véritable « réseau » social me semble essentiellement topologique, avec calculabilité des liens et des parcours, pondération des noeuds, valorisation des opérations au sein d’un système de graphes (le réseau est sociologiquement peu contraignant)
– la « mémoire » sociale, où finalement ce n’est pas tant la connectivité qui a de la valeur que la capacité à identifier uniquement des cibles quelles que soient les structures en expansion (dont la conséquence logique est ici la construction d’un contrôle social continu)
Dans ce dernier cas, la plasticité de la structure en réseau paraît secondaire par rapport aux opportunités amenées par la persistance des identifications. Les deux peuvent même devenir antagonistes…