Un extrait sur La Feuille me conduit sur Blogo Numericus, parce que forcément, je veux connaître le début et la suite… Allez-y, c’est bien !
Je cite un autre passage, qu’il convient de situer : après que Piotrr, fatigué de l’activité incessante que le Read Write Web lui impose, se soit prescrit à lui même une cure quotidienne de lecture sur livre, sans possibilité d’annoter, de couper coller, de citer sur son blog, d’envoyer par mail à un ami, lecture dite « passive’, au sens où elle ne s’accompagne pas d’une activité autre que celle du cerveau, (ce qui correspond à une activité somme toute importante), il s’interroge sur ce que devront offrir les e-books, s’ils se donnent comme objectif de prendre la relève des livres, comme « adjuvants de la lecture passive ».
» Demain, les e-books de nouvelle génération devront prendre eux aussi en charge ce rôle ; c’est-à-dire brider volontairement les possibilités techniques dont ils sont capables, ne pas me proposer d’annoter, d’extraire, de traiter, d’enregistrer, d’envoyer, d’écrire. Et il y a un risque qu’ils ne s’en s’abstiennent pas du fait de la concurrence entre les marques et les modèles et de la course à la sophistication qui frappe de ce fait habituellement les objets techniques de grande consommation. De même qu’aujourd’hui l’ipod ne fait (quasiment) rien d’autre que de permettre d’écouter, l’e-book ne devrait rien faire d’autre que de permettre une lecture dans les meilleures conditions de confort possible. Et de même que le fichier contenant le flux audio peut être traité, mixé, partagé, commenté par l’intermédiaire de mon ordinateur mais seulement écouté sur mon ipod, de même je souhaiterais disposer sur mon ordinateur du fichier textuel que j’aurais simplement lu sur mon e-book, pour pouvoir y appliquer tous les traitements de l’information dont j’aurais besoin. Et là encore, cette possibilité est loin d’être assurée en particulier du fait de l’utilisation des DRM, ou tout simplement du verrouillage des fichiers au sein de formats totalement idiosyncrasiques par les éditeurs, par crainte du piratage. »
J’aurais envie de dire qu’un texte de ce type indique la clôture d’une période qui a opposé un long moment les « émerveillés » du numérique (on peut… on peut… ) et ses détracteurs (la fin du livre, de l’intelligence, de la lecture, de la culture, de la civilisation). Tout comme l’inquiétude liée à une disparition annoncée du livre, de la lecture et des lecteurs semble avoir décru, l’idée que tout ce qui permettait d’agir, d’interagir, était forcément « bien » a fait long feu. Il y eut cette brève période d’excitation, début des années 90 : premiers clics, premiers événements déclenchés à l’écran, sons ou animations, absolument magiques. On s’aperçut assez vite, après quelques essais, de la résistance de pans entiers de la création à l’interactivité, en particulier la fiction cinématographique. En effet, le récit de fiction ne semble supporter l’interactivité que si celle-ci s’inscrit dans un jeu, et change donc radicalement de genre. Les exceptions sont des tours de force, comme le « Smoking – No smoking » de Resnais, qui a fait ses délices d’une structure arborescente, mais fonctionne non grâce à cette structure mais malgré elle. L’interactivité, sensée donner du pouvoir au spectateur pour que celui-ci puisse intervenir sur le déroulement de l’histoire, rompt en effet le contrat tacite que le spectateur passe en franchissant la double porte battante d’une salle de cinéma, et qu’on nomme « suspension provisoire de l’incrédulité ». C’est cette suspension qu’il est venu chercher au cinéma, et qu’on lui demanderait de suspendre…
Eloge de la passivité, la formule est jolie car elle résonne immédiatement en convoquant le souvenir d’autres éloges ; celui de la folie, bien sûr, celui de la lenteur, celui des femmes mûres aussi qui à chaque fois s’inscrivent à contre courant des tics d’une époque.
Mais la véritable passivité est plus difficile à atteindre que ce que nous décrit Piotrr : elle ne consiste pas à se contenter d’un iPod qui ne permettrait « que » d’écouter de la musique et non de la trafiquer, de l’échanger, de la mixer, ni d’un eBook qui ne permettrait « que » de lire… Non, non, beaucoup plus audacieux, imaginez : on pose son iPod, on lâche son eBook, on abandonne son livre, et tout à coup, on ne fait rien. Rien du tout. Essayez, c’est top.
Merci pour cet excellent commentaire, qui me permet de découvrir votre site que je ne connaissais pas (illustration des mérites a contrario de l’interactivité…)
Quant au genre de passivité que vous préconisez en fin de billet, je la retiens, mais en fin de cure seulement. Si je m’aventurais à brûler les étapes, je risquerais l’accident. Prudence donc ; à réserver aux plus expérimentés.
Pour les cas difficiles, le vieux mantra suivant a des vertus curatives :
« Le travail me fascine; je m’asseaoir et le regarder pendant des heures ».
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Tentons de ne pas être péremptoire ;-). Gutenberg a en quelque sorte tué le « multimédia » c’est à dire le texte enluminé et non pauvrement illustré. Le processus créatif de l’enlumineur est devenu exception, et Léonard avant Vésale tenta d’y remédier, sans succès. Aujourd’hui, je lis mais ne regarde presque plus, faute de stimuli, ou inversement quand il s’agit d’un livre d’art. Alors il me vient une idée quand je sais que Michel-Ange rédige ses sonnet sur des feuilles d’esquisses et applaudit leur mise en musique par Jacques Conseil, j’aimerai pouvoir « entendre » en lisant la musqiue des mots et écouter la musique de la musique. Et si le sonnet fait référence à une sculpture ou la chapelle Sixtine, ma curiosité sera satisfaite en voyant, une image ,forcément réductrice, ou une vidéo de l’oeuvre en question. J’ai donc envie de lire, tout le temps, de regarder et écouter de temps en temps. En fait la variable la plus importante n’est pas le support et ses fonctionnalités mais le talent de l’auteur ou du « réalisateur ». Non ?
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