L’arrivée de systèmes d’intelligence artificielle générative peut-elle avoir sur la production de textes des effets similaires à celle des outils électroniques sur la production musicale ?
La numérisation du son le rend manipulable à l’infini, d’une manière qui ne nécessite plus les gestes infiniment précis d’instrumentistes dédiant leur vie à jouer le plus parfaitement possible d’un seul instrument. De nombreux musiciens ont développé – et certains ont commencé avant la numérisation, avec des outils analogiques – la faculté de manipuler à l’oreille des sons enregistrés, sans en passer par l’apprentissage d’un instrument ou du solfège. Ils partent à la recherche du bon son, du bon mélange de sonorités, du bon tempo, du bon rythme. Les emprunts sont légion, tout comme l’usage des samples, les mélanges de traditions musicales. De nouveaux compositeurs sont apparus, qui ne se comparent ni aux musiciens classiques, ni aux musiciens de jazz, ni à ceux du rock, du reggae, du punk ou de de la soul, ni aux artistes des musiques non occidentales, mais qui, devenus des virtuoses eux aussi, s’inspirent et puisent dans toutes ces traditions, pour en inventer une nouvelle.
Pensez-vous que surviendront, parce que les outils basés sur des intelligences artificielles le permettent, des auteurs d’écrits qui n’auront pas appris l’écriture comme elle a été apprise par leurs aînés, qui ne seront pas nécessairement à l’aise avec l’expression écrite s’il faut qu’elle se fasse avec un crayon et un papier ou même un traitement de texte ? Des auteurs qui chercheront le « bon texte » comme les DJ’s cherchent le « bon son », en utilisant des outils d’IA, puisant dans les milliards de textes écrits par d’autres et pulvérisés sous forme de tokens, en recomposant les fragments habilement, apprivoisant l’art du prompt pour arriver à faire dire au générateur ce qu’ils ont à dire, et pour que leur texte sonne comme ils le souhaitent ?
( 6 octobre 2024 : J’ajoute un lien à cet article écrit en janvier dernier, après la lecture dans Publishing Perspectives d’un article de Nadim Sadek, le fondateur de Shimmr publié le 3 octobre dernier, et qui résonne, me semble-t-il, avec le mien : « Craft and Creativity« .)