Bookseller.com l’annonce aujourd’hui : Random House va commercialiser des livres en impression à la demande, sous la marque « The Random Collection ». Random va lancer un site dédié avec 750 premiers titres, d’autres viendront s’ajouter tout au long de l’année. Le site sera interactif, régulièrement mis à jour avec des sélections et des recommandations de l’équipe de Random House et des auteurs. Il sera doté d’un outil permettant aux libraires de faire des suggestions concernant les titres qu’ils aimeraient voir figurer sur Random Collection. Faye Brewster, Directeur des ventes du groupe, précise : « Lorsque des revendeurs constatent que des clients leur réclament un livre de Random qui se trouve être épuisé, ils peuvent nous le signaler, et nous nous occuperons d’obtenir les droits pour les rendre disponibles sous cette forme. »
Faber & Faber avait déjà lancé en juin un service identique, Faber Finds, s’assurant pour la création des couvertures de ces livres la collaboration d’une designer talentueuse, Karsten Schmidt, qui a conçu un système de création graphique basé sur un algorithme.
Joseph J. Esposito commente cette annonce dans Publishing Frontier en posant cette question, qui revient quasiment toujours dès qu’il s’agit de sites développés par des éditeurs : est-ce vraiment pertinent de proposer un tel service sous la marque « Random House », offrant uniquement des livres issus des marques détenues par le groupe ? Les lecteurs se soucient-ils de cette marque ? Qu’est-ce qui pourrait les attirer vers ce site ? N’est-il pas préférable que les éditeurs rendent leur livres disponibles en impression à la demande sur des sites agrégeant le plus grand nombre possible de maisons d’édition, et offrant un vaste choix ? Joseph écrit : « RH, ou tout autre éditeur, font une grave erreur s’ils s’imaginent que les consommateurs vont venir sur le site RH. »
Mais cette remarque est aussitôt mise en perspective par la suite de son article. Plusieurs raisons justifient en effet selon J.J.Esposito la décision de Random House. La première, c’est la nouvelle situation créée par l’accord conclu entre Google et les éditeurs et auteurs américains : avant cet accord, la ligne de démarcation entre les livres était clairement : livres du domaine public d’un côté, livres sous copyright de l’autre. Avec l’accord, la frontière s’est déplacée : les livres encore sous copyright mais en arrêt de commercialisation entrent dans la même catégorie que ceux du domaine public, en ce qui concerne le droit de Google de les faire entrer dans son programme Google Book Search, à ceci près que Google s’engage à reverser aux ayant droit une part des revenus provenant de ces œuvres. Le fait de mettre à la disposition du public des livres en impression à la demande ne permet plus de les déclarer « non commercialisés », et renforce la position de l’éditeur vis à vis de ses droits et de ceux de ses auteurs sur ces livres.
L’autre raison ne s’applique pas seulement aux livres proposés en impression à la demande, mais bien à l’ensemble des livres qu’un éditeur présente sur son propre site web. Là, Joseph J. Esposito explique que la diférence entre le monde physique et internet est très importante. Autant il est tout à fait absurde d’imaginer des librairies physiques proposant les livres d’un seul éditeur, autant, le fait pour un éditeur de disposer de son propre site se justifie. En effet, sur internet, le « Barnes & Noble « ( soit: le libraire ), c’est la première page de résultats d’une recherche dans Google. C’est dans Google que les consommateurs vont taper le titre du livre qu’ils recherchent. C’est ce que J.J.Esposito nomme de « l’agrégation en temps réel ». Qu’importe alors, nous dit-il, que les consommateurs ne connaissent pas la marque « Random House », la seule marqe qu’ils connaissent, c’est Google, et si le site de l’éditeur est convenablement développé, « search engine’s friendly« , bien optimisé pour les moteurs de recherche, le consommateur aura accès au site de l’éditeur, ou à des informations issues de celui-ci et reprises ailleurs, sur le site d’Amazon par exemple.
Il n’est pas non plus impossible que Random House entreprenne à cette occasion, faisant venir les consommateurs sur un site riche d’informations, de faire exister progressivement sa marque auprès des lecteurs.
Esposito conclut :
« Fondamentalement, il est temps d’arrêter de penser le Web comme un univers symétrique de l’univers « brick and mortar ». Hors ligne, il y a des magasins ; en ligne, il y a des des relations qui évoluent dynamiquement. Hors ligne, l’agrégation est cruciale ; en ligne, l’agrégation se fait en temps réel et permet de pointer vers des objets partout où une URL peut être trouvée. Hors ligne, les marques connues dans le monde du B2B ne disent rien aux consommateurs ; en ligne, de telles marques peuvent s’insérer intelligemment dans la chaîne de valeur. Ne tenons pas pour acquis que les gens chez Random House sont idiots, en dépit du fait qu’ils sont – ugh – des éditeurs ».
« Fondamentalement, il est temps d’arrêter de penser le Web comme un univers symétrique de l’univers “brick and mortar”. »
Superbe. A retenir et à méditer. Et 100% d’accord, sur le web c’est Google qui agrège, c’est Google le catalogue. C’est aussi de plus en plus Google l’éditeur aussi…
Au début de l’article, on a l’impression que Random House propose un service B2B aux libraires. Mais il semble que le service soit également B2C. Pour les épuisés, est-ce que les lecteurs se tourneront vers les libraires qui se tourneront vers les éditeurs ?
Les lecteurs, via Google, iront peut-être sur un site de livres d’occasion ou alors, oui, sur le site de l’éditeur.
Comment les libraires indépendants vont-ils réagir à ces nouveaux services qui les court-circuitent ?
Voir également le bel article sur Affordance par rapport à Google éditeur.
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2008/11/le-tr%25C3%25A8s-r%25C3%25A9cent-accord-historique-pass%25C3%25A9-par-google-avec-les-%25C3%25A9diteurs-am%25C3%25A9ricains-continue-de-faire-causer-sur-la-toile-et.html (Alain Peirrot l’a également twitté et Lafeuille en fait mention également.) Il est claire que Google n’est pas une entreprise philanthropique. Google se nourrit d’infos via le moteur de recherche, analytics, map, apps, etc.
« Google s’engage à reverser aux ayants droit une part des revenus provenant de ces œuvres. » ?!
« Le fait de mettre à la disposition du public des livres en impression à la demande ne permet plus de les déclarer “non commercialisés”, et renforce la position de l’éditeur vis à vis de ses droits et de ceux de ses auteurs sur ces livres. » Bien vu.
Mais Google sait parfaitement modifier son algorithme de recherche pour que ce ne soit pas tels ou tels liens qui se retrouvent en tête d’une recherche…
RH ou un autre n’a pas vraiment de moyen de s’assurer que ses liens seront durablement en tête pour certaines requêtes sur Google. Google ne garantit bien sûr aucune pérennité sur ses algorithmes de classement des résultats de recherche.