Heureusement, il y a eu la pause. Comment autrement prendre la parole juste après la rafale de lectures (14 auteurs, 4 mn chacun…) qui a inauguré la rencontre d’hier soir ? Pas auteur, moi. Moi, blogueuse, invitée à modérer le débat qui suivait, intitulé « publie.net, le contemporain s’écrit numérique ». Je ne sais pas si j’ai vraiment modéré, je crois bien malheureusement que je me suis contentée de continuer en live, avec l’équipe de publie.net, devant le public du centre Cerise, les nombreuses discussions entamées sur teXtes et ailleurs…
Je reproduis ci-dessous les quelques mots que j’ai prononcés pour lancer le débat, en m’excusant auprès de ceux qui me font la grâce de lire régulièrement ce blog, car j’y reprends certaines remarques déjà faites sur teXtes, au fil des derniers billets.
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Lorsque je lisais, enfant, je me fichais bien des auteurs. J’ignorais l’existence de l’éditeur. J’avais entre les mains un livre, un objet tangible, infiniment désirable, et ouvert sur l’infini.
Il y avait l’histoire, les mots, la langue. Surtout l’histoire, au début. Les personnages. Leurs aventures.
Lire, c’était se retirer, loin du boucan de la famille, de la fatigue du commerce avec autrui, du souci de soi. C’était une affaire de solitude et d’imagination. C’était ce délice de voyager sans bouger, de faire des rencontres sans devoir me présenter, d’avoir peur sans courir de danger. D’écouter les bruissements et les grondements du monde extérieur, encore bien à l’abri dans mon enfance.
Puis refermer le livre, vivre et grandir, et me dire parfois que oui, curieusement, la vie ressemble bien à ce qu’en disaient les livres.
Aujourd’hui, les livres sont toujours infiniment désirables, et, ceux que j’aime, toujours ouverts sur l’infini, toujours bruissant des grondements du monde. Mais ces livres, aujourd’hui, sont entourés de présences. Je ne me fiche plus des auteurs. Les auteurs vivants ne sont plus seulement des noms inscrits sur la couverture, la tranche et la première page des livres. De plus en plus souvent, il m’importe d’en rencontrer un, de me mêler à la petite foule d’une librairie le soir où l’un d’entre eux s’y rend pour donner une lecture, répondre à des questions. Le nom sur la couverture trouve alors un visage, des gestes, une voix. Le passage que l’auteur lit ce soir-là aura toujours ensuite, lors d’une lecture ou d’une relecture, en face à face avec le livre, un statut différent, il fera entendre une musique particulière. Certains auteurs, je les rencontre autrement. De plus en plus nombreux, les auteurs sont présents sur le web. Ils tiennent un blog, alimentent un site, contribuent à une revue en ligne. Pour certains, leur blog ou leur site est, pour reprendre une image de François, comme l’atelier du luthier, qui donne sur la rue : le passant peut s’approcher, et, à travers la vitrine, le regarder travailler. La table du violon est encore en bois blanc, il n’a pas reçu ses couches de vernis. Il n’est pas prêt encore à vibrer au creux de l’épaule d’un soliste, mais il est là, visible, en devenir.
Derrière les livres il y a des gens. On peut les rencontrer, réellement ou virtuellement. Il y a les auteurs, mais aussi les éditeurs, les libraires, les bibliothécaires, les lecteurs. Et le web permet aujourd’hui un échange sans précédent avec ces gens qui écrivent, qui éditent, qui font circuler et qui lisent les livres que nous aimons.
Derrière publie.net, il y a des gens aussi. Ils sont là, et je vais leur laisser la parole.
Il y a François l’infatigable, il y a le désordre magnifique de Philippe, la patience et le brio de Fred, l’expertise de Xavier et Julien, le talent et la passion de bien d’autres, auteurs ou collaborateurs.
Leur atelier est ouvert : vous pouvez assister, en très léger différé, sur désordre.net à la création des visuels de couverture des livres numériques diffusés sur publie.net. Tiers-livre tient la chronique, qui rebondit de blog en blog, de billet en commentaire, d’un métier qui s’invente : l’édition nativement numérique. Les questions sont nombreuses et passionnantes : esthétiques et techniques, mais aussi juridiques et économiques.
Le catalogue est là. La plateforme existe. Les auteurs répondent présent. Les téléchargements se font. Les bibliothèques se connectent. La littérature contemporaine s’écrit numérique. Elle s’écrit sur publie.net, et ce depuis bientôt un an.
(photo : www.atelierduviolon.com )
« Je ne sais pas si j’ai vraiment modéré ». Mais si, très bien. Vous avez justement passé la parole à chacun et relancé l’essentiel. Le temps a manqué, mais cela, c’est une constante dans les débats sur ce sujet des sujets, le livre et les mutations de ses métiers.
La soirée à l’écoute des auteurs et de l’équipe de publie.net a été fort sympathique. Quelle expérience!
« Vous avez justement passé la parole à chacun et relancé l’essentiel. » : je renchéris.
C’était impeccable compte tenu du temps imparti.
Elle faisait du bien cette soirée. Par les temps qui courent, où tout ce (tous ceux) qui entreprend (entreprennent) pleurent du déclin, là quelque chose d’ascendant, ici et maintenant et le bonheur d’être contemporains à une révolution autant que le fut celle de l’imprimerie.
En ligne à l’instant, les enregistrements des lecture et du débat d’hier soir : http://remue.net/spip.php?article2904
Ping : Comment se débarrasser d’un écrivain ? « La vie dangereuse
Merci pour cette soirée, un moment très fort pour moi. Débat nouveau, intéressant, en avance, nécessaire. Trop court évidemment !
A propos du débat : il aurait été bienvenu d’inviter, de réinviter le public à intervenir plus tôt, poser des questions. Peut-être n’était-ce pas assez clairement dit, que chacun pouvait lever la main et poser une question.
Oui, un peu plus de cadre de ce côté-là, après quelques questions de Remue à Publie, avec une invite claire et cadrée genre « n’hésitez pas à poser des questions, à intervenir, merci de poser des questions courtes et directes, si possible ouverte, car nous avons peu de temps… » et ç’aurait été parfait !
Merci encore !