du papier au numérique, du numérique au papier

Il ne s’agit pas d’un scoop (La Feuille le signalait déjà le mois dernier), l’université du Michigan s’est équipée d’une Espresso Book Machine. Elle n’est pas très jolie, la EBM ( peut-être la version 2 annoncée pour 2009 bénéficiera-t-elle d’un meilleur design ? ), mais elle vous imprime à la demande et vous relie un livre de 300 pages en 7 minutes…

On peut lire sur le site de la bibliothèque de l’université :

« Après tant d’effort pour faire passer nos livres de l’imprimé au numérique, vous pourriez vous demander pourquoi nous investissons dans une machine qui va faire passer nos livres du numérique à l’imprimé. Nous croyons que la meilleure forme pour un livre, plutôt qu’une forme unique qui serait la solution à tout, varie en fonction des usages et des utilisateurs. Parfois un livre numérique, auquel nous pouvons accéder partout, tout le temps et dans lequel nous pouvons facilement effectuer des recherches est exactement ce dont nous avons besoin. En d’autres circonstances, la forme idéale d’un livre est un exemplaire imprimé qui favorisera une lecture suivie, dont la matérialité servira de point de repère au souvenir de notre expérience de lecture, ou qui pourra facilement passer de main en main. »

J’apprécie cette mise en perspective à propos de la forme d’un livre, qui rejoint les discussions qui ne sont pas près de se tarir à propos du « Terminal Définitif pour Les Lectures Numériques », (voir « La Controverse du Grille-Pain »). Pas seulement sur nos blogs, mais partout où l’on se réunit pour travailler sur des projets touchant au livre numérique. Tétanisés par le succès du iPod dans la musique, on n’en finit pas de guetter le Killer Device, celui qui va créer la rupture, qu’on mourra d’envie de posséder, qui saura convaincre massivement les lecteurs de basculer vers la lecture numérique. On ne le dira jamais assez, il n’y a pas « une lecture » mais « des lectures », « un livre » mais « des livres », « un lecteur » mais « des lecteurs ». Il y a aussi, ce que souligne l »extrait ci-dessus, des moments, des circonstances de lecture fort variées, et cette multiplicité d’usages peut nécessiter la coexistence de modalités différentes de restitution des textes : liseuses, mobiles, netbooks, PC, livres imprimés. Peu importe, en définitive, comment les lecteurs préféreront les lire : les livres devront être disponibles pour toutes les lectures, sans exclusive.

Concernant l’EBM :

– on la trouve aussi dans des librairies : exemple de Blackwell au Royaume-Uni.
– le site du constructeur
– un billet très complet paru il y a quelques jours sur Information Today.

Quelques minutes plus tard : l’idée de parler à nouveau d’EBM m’est venue ce matin en suivant un lien posté par Alain Pierrot sur Twitter, Alain qui vient de poster quasi simultannément lui aussi un billet à propos de l’EBM…

J’éviquais le design de la future version : Alain m’envoie un PDF avec cette image, il y a du progrès…

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21 réponses à du papier au numérique, du numérique au papier

  1. J’ai réfléchi quelques temps avant de réagir à ce post : moi aussi, je ne crois pas tellement à un Killer Device pour la lecture, pour les raisons citées, la pluralité des situations de lecture, des livres et des lecteurs…
    Cela dit, je suis pratiquement persuadé qu’à terme l’e-paper s’imposera un jour comme un remplaçant au papier.
    Cela ne se fera pas certes du jour au lendemain.
    Je relis actuellement « L’apparition du livre » de Febvre et Martin… Ce que nous appelons aujourd’hui « livre » ne s’est pas fait en un jour !
    Nonobstant, et toutes considérations sur la théorie de la singularité et autres exclues, cela pourrait arriver plus vite que les éditeurs et les libraires le pensent. Tous, nous remarquons que les changements arrivent de plus en plus vite. Ils se préparent en arrière plan et patatras ils déboulent d’un coup (comme la crise financière ;-( D’où l’utilité, j’ose l’espérer en tous cas, de la veille stratégique et de la prospective ;-)

    Ce post, par ailleurs juste et pertinent, pose en fait, à mon avis, la question de notre rapport au temps. Or notre rapport au temps évolue lui aussi, précisément (et actuellement).
    L’actuelle chaîne économique du livre a pour l’instant besoin de préserver la part du lion au papier. Certes. Cela est même légitime au regard du nombre d’emplois en jeu.

    En fait, c’est la conclusion de ce post avec lequel je suis en gros d’accord, qui me crée un malaise. Il y a d’autres scénarios possibles, voire, plus probables je pense. Nous risquons d’être surpris par des usages nouveaux, de nouvelles générations de lecteurs… Déjà, aujourd’hui, le succès de l’iPhone comme terminal de lecture est assez surprenant je trouve.

    Pour dire les choses franchement : considérant le poste qu’occupe Virginie dans l’édition, je ressens une drôle d’impression quand je pense qu’elle adhère à ces propos cités : « En d’autres circonstances, la forme idéale d’un livre est un exemplaire imprimé qui favorisera une lecture suivie, dont la matérialité servira de point de repère au souvenir de notre expérience de lecture, ou qui pourra facilement passer de main en main.”
    Personnellement je suis sur ce point là, sur ce propos, très dubitatif !

  2. Un sondage qui tombe bien à propos dans cet échange :
    http://www.actualitte.com/actualite/5204-papier-industrie-livre-ebooks-numerique.htm
    Extraits : « À quelques heures de l’ouverture de la Foire du livre de Francfort, un sondage réalisé auprès des professionnels du livre met en avant une certaine confiance à l’égard des contenus numériques qui devraient dépasser les ventes de livres imprimés… en 2018. […] Peut-être plus important, 25 % d’entre eux considèrent que les libraires seront devenus obsolètes d’ici 60 ans… »
    N.B. Surtout allez lire l’intégralité car comme je suis facétieux j’ai bien choisi mes extraits ;-)

  3. F dit :

    moi, c’est ce genre de sondage qui me laisse dubitatif – et toujours ce mélange de torchons et de serviettes, les lois industrielles appliquées indifféremment à des contenus qui diffèrent radicalement dans leur rapport au numérique

    l’urgence étant donc plutôt, de notre côté, à ce que le numérique édite, plutôt à que ce que l’édition se numérique !

    belles expériences qui se dessinent de notre côté en s’associant, pour un même auteur, à parutions livre – ne pas vouloir marier carpes et lapins, rester chacun dans son métier mais en organiser la synergie temporelle, soit sur même titre avec double déclinaison, soit sur textes complémentaires d’un même auteur

  4. Oui je pense aussi que les enjeux et l’urgence sont bien du côté que désigne et sur le versant ou oeuvre François (comme Virginie je suis cela du plus près que je peux), mais, à part quelques très rares initiatives de ce type, émanant de personnes ou de petites structures ou projets de start up éditoriales, et vraiment elles ne courent pas les rues, ce que je constate à partir de mon travail quotidien de veille ne va pas dans ce sens. Sur le terrain, et pour reprendre l’expression de François, l’édition se numérique. Hachette va sortir ses guides Michelin sur téléphones portables, etc. Et ce n’est que le début… J’ai l’impression qu’en gros les éditeurs se concentrent sur l’adaptation de leur diffusion à de nouveaux canaux, mais, qu’ils ne travaillent pas à de nouveaux projets éditoriaux. Je dis cela un peu brutalement, je sais, et j’en suis désolé, je suis le premier qui aimerait pouvoir prendre le temps d’analyser et de mettre à tête reposée en perspective ce qui ressort de mon travail de veille et de prospective, mais je n’ai pas suffisamment de soutiens extérieurs à mon travail pour pouvoir me le permettre :-(

  5. « erratum » : étant entendu que Michelin est Michelin et que n’étant pas dans le groupe Lagardère, Hachette Tourisme n’a donc rien à voir dans cette histoire (mais qu’ils finiront bien de toutes les façons par sortir eux aussi leurs guides sur téléphones portables).
    Cela dit : désolé pour l’erreur (mais qui au fond renforce la conclusion du commentaire concerné ;-( et je vais me reposer maintenant :-(

  6. Renaud dit :

    « Peu importe, en définitive, comment les lecteurs préféreront les lire : les livres devront être disponibles pour toutes les lectures, sans exclusive. »

    Oui, je suis d’accord avec vous, Virginie. Cela dit, les livres électroniques sont par nature très différents des livres papier. On peut parler à ce propos de deux paradigmes et, tant que tels, incommensurables. On peut ainsi dire que ces deux paradigmes sont régis par des lois différentes, organisés par des concepts différents (par exemple, dans le paradigme numérique, la notion de « prêt » n’existe pas parce que lorsqu’on transmet un livre électronique, on n’en est pas dépossédé). Une des conséquences les plus évidentes est que ces deux paradigmes appellent des modèles économiques différents. Si le modèle du livre papier est traditionnel et bien rodé (bien que perfectible et à bien des égards, ex. d’accord pour le prix unique du livre mais si les grands groupes rognent les marges des libraires -qui n’ont pas le même pouvoir de négociation que les grandes enseignes- alors ça sert à quoi si non à créer une rente pour ces mêmes groupes et au détriment des lecteurs ?), le modèle du livre électronique reste à inventer.

    Pour ma part, il me semble de plus en plus évident que le livre électronique n’est pas adapté pour la librairie traditionnelle, mais pour la téléphonie mobile. Ces opérateurs sont de loin les mieux à même de gérer les flux et les droits afférents (c’est ce que l’on voit au Japon, il me semble). Clairement, de ce côté-là, on peut s’attendre à des « exclusivités » (je hais ce mot-là qui signifie, si les mots ont un sens, « exclure » – tout comme je déteste le mot « territoire » qui va avec le mot « guerre ») bien entendu, des abonnements avec livre électronique « offert », et une certaine « staracadémisation » de la littérature en prime (corollaire de l’exclusivité : « en exclusivité avec X recevez le dernier roman de Marc Lévis »). Quant à acheter des livres électroniques dans une librairie, « no comment ». Même si les plateformes de distribution n’étaient atomisées et que les libraires avaient la compétence et les moyens de les implémenter, qui se déplacerait alors qu’une offre identique se trouve sur le web. Vendre des cartes mémoires avec livres électroniques chargés dessus ? Vendre des cartes avec un code inscrit dessus et télécharger les livres à la maison ? Et, bien entendu, nous nous déplacerions chez le libraire parce que c’est lui qui fait la médiation, transmet les livres ? Et cela, bien que nous ayons Internet à la maison (parce que les clients des livres électroniques, nous pouvons imaginer qu’ils ont Internet) et que nous puissions « googler » les livres ? Franchement, ce n’est pas sérieux.

    Quand je lis qu’il faudrait que les libraires passent la vitesse supérieure par rapport au numérique, ça me laisse dubitatif. Dire cela aux libraires, c’est un peu comme s’il y a vingt ans, vous étiez allé voir les discaires en leur demandant : « Ça ne vous dirait pas de vendre des Ipod ? C’est génial et en plus on a mis en place une plateforme qui s’appelle Apple Store ! » Et de brandir la menace « Amazon » toutes les trois minutes, cela ressemble à « La stratégie du choc » de Noami Klein. Non, vraiment, les libraires ont intérêt à y réfléchir à deux fois. Et les éditeurs aussi d’ailleurs. Quand on voit justement les pressions qu’exerce Amazon sur les éditeurs, cela donne à réfléchir, non ?

    Sans parler du débat « DRM »/ »no DRM ». Quand on lit certains « journalistes » qui prennent ouvertement position contre les « DRM » et que, d’un autre côté, ils rapportent comment une plateforme téléchargement de manuels universitaires a été fermée à la demande d’un éditeur, on se pose des questions. Il me semble, d’une part, que le fait de supprimer les « DRM » n’aura pas d’incidence significative sur le piratage (qui signifie téléchargement sans les droits afférents et pas seulement contournement des verrous) et que, d’autre part, les livres électroniques ne sont pas tous exposés de la même façon au risque des piratages. (Dans certains cas, les auteurs souhaiteraient même être piratés -un must-, preuve qu’ils seraient lus + publicité.) Exemples : La littérature technique financée par une entreprise – si vous vous faites attraper avec des livres piratés ce n’est pas les mêmes conséquences si vous êtes un professionnel ou un particulier, et, oui, on trouve des pdf O’Reilly « à la pelle » sur Internet – et la littérature contemporaine, bien entendu. Je ne suis pas sûr que le risque de piratage soit identique pour Gao Xingjian et J.K. Rowling.

    De plus, cette histoire de « no-DRM », c’est le miroir aux alouettes. Il est évident que les ayant droits ne fermeront pas les yeux sur l’utilisation des fichiers sans avoir payé les droits afférents. Non, ce qui nous pend au nez, et c’est un vrai problème, c’est la loi ADOPI. Ce n’est pas en fliquant chaque citoyen de façon systématique sur Internet (loi ADOPI) qu’il faut résoudre le problème, mais en travaillant en amont sur les « DRM ». Le problème du respect des droits doit rester le problème de l’industrie. Cette industrie se doit de trouver elle-même une solution satisfaisante (si cela est possible, car nous sommes dans un autre paradigme) et ne pas être transférer son problème vers les citoyens par une violation inadmissible de leur vie privée.

    Si la solution ne passe pas par les DRM dans le paradigme « immatériel », c’est qu’une autre façon de pensée qui reste à inventer… (Une piste, ce serait peut-être de s’inspirer des licences « open-source » appliquées aux logiciels encore que la problématique soit très différente.)

    Bref, en conclusion, je dirais que le débat me paraît trop centré sur les périphériques. Dans ces discussions, on a vraiment le sentiment (très désagréable) que les textes deviennent accessoires et le matériel (ex. PRS-machin chose) le principal. La fin devient le moyen, et le moyen, la fin. C’est une logique industrielle qui inverse les valeurs. Ainsi, on n’hésite pas à bourrer les périphériques de textes tombés dans les domaines publics sans soucis de la qualité, ni des droits. Puis, on les donne « gratuitement » pour vendre du matériel électronique. On détruit de la valeur à tour de bras au mépris des conséquences sur l’économie réelle et en créant très peu de valeur de l’autre côté. De plus, on parle de matériel, et, dans le même, il n’y a pas le moindre benchmark digne de ce nom. En fait, ce que l’on remarque, c’est que la blogosphère fonctionne comme une lentille déformante où l’on fait l’apologie du livre électronique à qui mieux mieux et sans le moindre esprit critique. Sauf à dire que l’avenir du livre, c’est en fait un cédérom embarqué sur un périphérique mobile communiquant avec affichage à encre électronique, la pauvreté des réflexions (j’entends par là l’esprit critique) est quand même sidérante (quand ces réflexions ne sont pas démagogiques ou tendancieuses : nous ne sommes pas dupe de possibles conflits d’intérêt). Heureusement, on trouve quand même des blogs qui apportent du nouveau et invitent à la réflexion.

    Voici où j’en suis dans mes réflexions de lecteur, et ne nous le cachons pas, consommateur : le paradigme du livre électronique ou immatériel ne semble pas pour les libraires. Ce n’est à mon avis pas l’impression à la demande qui va y changer quelque chose. Ça m’étonnerait que la machine me sorte un Sabine Wespeiser ou un Zulma, mais on peut toujours rêver. Et puis, je ne vois pas les petites librairies s’équiper de ces engins. Enfin et surtout, je ne me vois pas en acheter. M’est avis que ces machines équiperont plutôt les bibliothèques, voire les usines à photocopie (la classe).

    Le paradigme du livre électronique ou immatériel est naturellement adapté pour la téléphonie (transmission de données, facilité gestion des droits,…) avec tout ce que cela implique pour les éditeurs.
    Il y a des enjeux de culture : accélération de la « staracadémisation » de la littérature, risque sérieux de disparition du réseau des librairies indépendantes (où est le point mort des petites librairies, certainement très proche du seuil de rentabilité).

    Il y a enfin des enjeux de sociétés (loi ADOPI cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Hadopi ; http://www.numerama.com/magazine/9854-10-bonnes-raisons-de-dire-NON-a-la-loi-Hadopi.html) qui sont cruciaux. Mais de tout cela, la blogosphère ne dit mot.

    Quant à moi, je me réfugie dans un bon livre quand je fais une overdose d’informatique. Donc, je crois que je continuerai de fréquenter mes libraires et de m’évader avec des livres p-a-p-i-e-r-s.

    Voilà, il y a encore tant de choses à dire. Et moi qui m’était promis qu’on ne m’y reprendrai pas ! Mais avouez que vous ne me facilitez pas les choses, Virginie. Votre blog est une trop forte tentation.

    Une dernière chose, enfin. Ce qui était génial avec Harry Potter, c’est que tous les gosses dans le monde entier l’ont eu à la même heure, partout. J.K. Rowling n’a jamais oublié ce qu’est la lecture.

  7. Xavier Cazin dit :

    OK avec Renaud pour dire que le téléphone est un terminal presqu’idéal. Mais pourquoi se permet-on cette prédiction, alors que c’est-pas-possib’-de-lire-avec-un-truc-pareil-vous-avez-vu-la-taille-de-l’écran ? D’accord, il y a l’expérience des Japonais, mais surtout l’intuition qu’un lecteur lira avec les moyens du bord, qu’il s’agisse d’un parchemin réécrit 10 fois dans tous les sens, ou en se bousillant les yeux à la lampe torche sous les draps pour que les parents n’en sachent rien. Et donc un téléphone portable pour la simple raison qu’il a 90% de chance d’en posséder un.

    Je lirai donc des livres numériques s’ils viennent à moi ou s’ils croisent mon chemin, et non pas si je dois aller les chercher dans une section numérique du site d’un éditeur qui ne se trouve pas sur mes trajets habituels.

    Or j’ai cru comprendre que Renaud fait partie de ceux qui, pour lire, n’hésitent pas à pousser les portes d’une librairie :

    Quant à moi, je me réfugie dans un bon livre quand je fais une overdose d’informatique. Donc, je crois que je continuerai de fréquenter mes libraires et de m’évader avec des livres p-a-p-i-e-r-s.

    Pourquoi ces libraires fréquentables ne proposeraient-ils pas de la lecture sous d’autres formes ? Sont-ils des marchands de papier ou des conseillers de lecture ?
    Renaud semble opter pour la première hypothèse :

    Quant à acheter des livres électroniques dans une librairie, “no comment”. Même si les plateformes de distribution n’étaient atomisées et que les libraires avaient la compétence et les moyens de les implémenter, qui se déplacerait alors qu’une offre identique se trouve sur le web

    J’espère qu’un jour il aura le temps de m’expliquer !

  8. Renaud dit :

    @Xavier « OK avec Renaud pour dire que le téléphone est un terminal presqu’idéal.  »

    L’exemple du Japon prête à confusion. En fait, je pensais plus largement à tous les périphériques avec connexion sans fil.

    « Pourquoi ces libraires fréquentables ne proposeraient-ils pas de la lecture sous d’autres formes ? Sont-ils des marchands de papier ou des conseillers de lecture ? »

    De mon point de vue de lecteur, les libraires sont des marchands de livres, pas de fichiers électroniques (pdf, epub ou autres), ni de matériel informatique.

    De mon point de vue de lecteur toujours, dans l’attente d’y voir plus clair sur les offres qui vont se mettre en place, notamment côté opérateur téléphonique / liseuses, il serait peut-être prudent de ne pas presser. Encore une fois, c’est comme si on avait dit hier aux disquaires : « Ça ne vous dirait pas de vendre des Ipod. En plus, on a une plateforme de vente de contenu très bien (elle gère parfaitement les exclusivités). Mais, ne vous inquiétez pas les clients viendront toujours chez pour demander conseil. »

    À titre personnel, si un libraire ne vend pas de livres papier (fait des choix, gère des stocks, créé des assortiments, classe ses livres, aménage une vitrine avec des livres, défends ses livres jusque dans le papier et l’encre, etc…) alors c’est sûr que je ne me déplacerai pas.

    Je ne crois pas que j’achèterai un fichier électronique (appelons les choses par leur nom) dans une librairie. Quelque part, avec Internet, c’est le comble du ridicule. Et pour la médiation des fichiers électroniques, il y a également le web. Le libraire peut proposer des fichiers électroniques, mais, à mon avis, ce serait prendre le risque de faire entrer le loup dans la bergerie et au final de se retrouver exclu. (Idem l’éditeur d’ailleurs.)

    Donc, de mon point de vue toujours : le livre électronique pour les opérateurs téléphoniques (pour les raisons indiquées plus haut), et le livre papier dans la librairie. Deux paradigmes différents (et deux modèles économiques différents) : un immatériel et un matériel ; deux lieux différents : un immatériel et un matériel.

    @Lorenzo « Cela dit, je suis pratiquement persuadé qu’à terme l’e-paper s’imposera un jour comme un remplaçant au papier.
    Cela ne se fera pas certes du jour au lendemain. »

    Moi, je me demande si ce ne sont pas les liseuses qui vont disparaître. ;-)

  9. Alain Pierrot dit :

    Moi, je me demande si ce ne sont pas les liseuses qui vont disparaître.

    On pourrait jouer à un jeu inhabituel : prédire, pour une fois, des révolutions, des ruptures dramatiques aux industriels de la technologie numérique.
    Après tout, l’histoire des marques de constructeurs des Dell, HP, Packard Bell, Compaq, IBM, etc. dans le domaine n’est pas sans soubresauts…

    Ma vision est que les périphériques traditionnellement associés à l’ordinateur, qu’il soit personnel ou portable, clavier, souris, trackpad, écran pourraient bien laisser place à de nouveaux appareils intégrés, avec de la technologie de papier électronique, des interfaces tactiles et des capteurs de son, d’image, de mouvement, du GPS, plus des composants de communication cherchant le réseau sur n’importe quel canal…

    Des industriels des liseuses innovants adossés à des fournisseurs de ‘contenus’ (le terme continue à me hérisser) pourraient bien détrôner les ‘has been’ d’une informatique #.# dans un scénario d’économie-fiction ?

  10. Xavier Cazin dit :

    @Alain J’avoue n’avoir aucune idée de ce que les lois de l’évolution réservent aux terminaux de demain, mais ce dont je suis sûr, c’est que les livres électroniques nicheront dans les terminaux que nous lecteurs trouverons les plus pratiques à utiliser.

    Aujourd’hui, la logique voudrait donc que les éditeurs produisent des œuvres accessibles à partir de codex imprimés (c’est déjà le cas et ça rapporte 2800 millions d’euros par an), d’écrans d’ordinateurs, de téléphones portables, et de Nintendo DS.

    Attendre que les lecteurs achètent des liseuses permet justement ça, d’attendre.

    @Renaud : on ne se comprendra sans doute pas avant d’avoir l’occasion de se rencontrer. J’essaye de te reciter :

    À titre personnel, si un libraire ne vend pas de livres papier (fait des choix, gère des stocks, créé des assortiments, classe ses livres, aménage une vitrine avec des livres, défends ses livres jusque dans le papier et l’encre, etc…) alors c’est sûr que je ne me déplacerai pas.

    Certes, mais si en plus de faire tout ce que tu attends de lui, il te disait « je n’ai pas ce que tu veux sur papier (inexistant, épuisé, rupture de stock, éditeur rare ou étranger…), mais je peux te vendre un accès à telle édition électronique, en version enrichie ou basique », tu lui répondrais « quand j’aurai besoin d’un ouvrage électronique, je saurai le trouver tout seul sur l’Internet, merci, tout ce que je veux c’est que tu me le vende sur papier, alors équipe-toi vite fait en EBM ou je ne remets plus les pieds dans ta pseudo-librairie » ?

  11. Renaud dit :

    @Xavier : Oui, effectivement, la question est complexe.

    Il est très probable que je réponde « non, merci pour l’édition électronique », soit que je me décide pour un autre livre papier (il y a beaucoup sur la liste), soit que j’entreprenne des recherches sur Internet. Il y a de grandes chances que je trouve le livre en question d’occasion. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait pour des livres non réédités comme des poches de Dorgelès.

    Si je suis chercheur et que le texte est ancien, il est probable que je me tourne vers une bibliothèque (ou un site de bibliothèque). Si le texte m’intéresse, il est également probable que je demande une impression à la demande. (N’oublions pas Google Book Search non plus.)

    Quant aux éditions enrichies… Bof. C’est du packaging, du marketing. Et puis, pour la version électronique enrichie, ce serait quoi dans le fond la différence entre un livre et un cédérom ou internet dans ce cas ? Un livre de la Pléiade, n’est-ce pas la vraie définition d’une édition enrichie ? Vendez un cédérom dans un bon roman pour voir le résultat, le Pynchon par exemple. Peut-être prendriez-vous un gros risque éditorial.

    Le livre se suffit à lui-même. J’aime bien l’expression de Léo Scheer selon laquelle le livre est un objet indépassable.

    Évidemment, si tout est numérisé et qu’on a plus le choix…

    Je ne parlerais pas non plus de « pseudo-librairie ».

    La question est complexe et l’on se focalise sur un aspect uniquement. Quid des enjeux économiques, par exemple. Quel serait l’impact économique en terme marge, de manque à gagner,… sur les librairies indépendantes si le livre électronique se développait ?

    D’autre part, parler d’un libraire comme d’un vendeur de papier, et même comme d’un vendeur de livre (vendeur de papier + médiation) est aussi réducteur. C’est évacuer la dimension sociale de la librairie.

    Est-ce que l’on se réunirait autour d’un fichier électronique, d’un objet immatériel incarné par un périphérique ? Est-ce que l’on ferait dédicacer un fichier électronique avec le stylet (l’auteur ne sachant même pas si vous avez les droits ou non) ? J’avoue ne pas savoir. On peut continuer. Quelle est la valeur affective d’un fichier électronique ? Soyons plus prosaïques, quelle est la valeur patrimoniale d’une bibliothèque numérique ? Que va-t-on revendre, que va-t-on transmettre ? Est-ce que la mémoire de nos lectures sera incarnée par une liste fichier dans l’explorateur ? Où mettra-t-on le trèfle à quatre feuilles et la fleur séchée aussi ? On pourrait continuer la liste.

    @Alain. Oui, il est très probable que la liseuse soit soluble dans d’autres types de périphériques, le point essentiel étant la papier/encre électronique. Quelle est la différence entre le note book et la liseuse, si ce n’est que la liseuse est à un prix exorbitant par rapport au note book si l’on compare les ratios prix/fonctionnalités ? Possible également que le #.# deviennent « has been ».

    Si l’on s’abstrait des questions technologiques, il semble que le monde puisse s’organiser en deux paradigmes : le paradigme matériel et le paradigme immatériel. Si c’est bien le cas, alors par définition ces deux paradigmes sont incommensurables. C’est-à-dire qu’il serait vain d’appliquer un modèle fonctionnant dans l’un pour organiser l’autre.

  12. Renaud dit :

    @Virginie. Je suis entièrement d’accord avec vous concernant l’expérience publie.net avec la nouvelle plateforme qui semble à la pointe à la fois d’un point de vue technique et « marketing », « marketing » semble-t-il adapté à la population cible (watermark, pas de drm, pas d’exclusivités)*. C’est intéressant d’ailleurs de noter la dichotomie entre d’une part l’édition papier et d’autre part l’édition entièrement numérique. Enfin, c’est un point de vue personnel.

    Juste un mot par rapport l’idée d’incommensurabilité. Ce n’est pas simplement un effet de langage. L’idée de prêt notamment n’a pas cours dans le paradigme « immatériel ». Aujourd’hui, si je mets en partage un fichier sur le web, selon le point de vue, on peut dire que je prête ou que je le donne et ce potentiellement à plus de 6 milliards de personnes. Or ce partage, c’est bien là l’un des enjeux majeurs de l’édition électronique. Ce que les DRM tentent de faire, c’est d’émuler le comportement d’objets matériels dans le monde immatériel, sans pour l’instant y parvenir. Y parviendront-ils de façon satisfaisante ? Cela dit, je vous accorde que c’est un point de vue personnel et discutable.

    *Si cela peut aider, j’aurais juste deux suggestions mais peut-être cela a-t-il déjà été pesé. L’idée de « prix psychologique » (le prix fait la valeur) par opposition au « prix de revient » (la valeur fait le prix). Si les bibliothécaires trouvent que le prix n’est pas assez élevé, c’est peut-être le cas. La justification du texte (vs non justification) : il y a des arguments pour et contre. Pour : l’esthétique. Contre : le confort de lecture car non justifié l’œil parcourt toujours la même distance entre chaque mot et se fatigue moins. J’avais lu un manuel de philo américain (en français faut pas exagérer) qui n’était pas justifié et les auteurs s’en expliquaient. Idem le site du Monde, du Figaro, de Libé qui ne sont pas justifiés.

  13. Renaud dit :

    @Virginie « Mais au fond, je crois que les blogueurs du livre numérique partagent tous un goût profond pour le livre, quelle que soit sa forme, et pour moi ces discussions n’ont de sens qu’à cause de cela. »

    Entièrement d’accord avec vous.

  14. Renaud dit :

    On dit qu’ « une idée qui n’est pas notée est une idée perdue ». Poursuivant sur l’idée de deux paradigmes pour l’édition, l’un matériel, l’autre immatériel, on remarque que l’un pense en terme de stock, tandis que l’autre pense en terme de flux.

    Dans le paradigme immatériel, le contenu devrait s’adapter au contenant et le texte devrait rester fluide, à l’instar des textes publiés sur le web. C’est pourquoi la justification du texte n’a pas vraiment de sens. Dans ce contexte, le pdf n’a plus du tout la pertinence qu’il peut avoir pour les documents imprimés.

    D’autre part, ce n’est pas le même rapport au temps. C’est évident lorsque je lis le post sur TiersLivre « publie.net avantages ». Le texte se comporte comme un logiciel que l’on met à jour de façon transparente pour les lecteurs dans une sorte de « ongoing process » d’écriture. D’ailleurs, comment alerter l’utilisateur des mises à jour ? Textes et logiciels sont immatériels et c’est leur nature même qui autorise cette création continue, cette « évolution créatrice » pour reprendre le mot de Bergson.

    C’est effectivement, selon moi, une des voies de la création et de l’expérimentation numérique avec le multimédia. Cette voie est celle d’une ségrégation de plus en plus évidente entre le texte papier et le texte numérique, et d’une autonomisation de l’un par rapport à l’autre comme œuvres distinctes et à part entière.

    Le texte numérique pendant du texte papier, même enrichi avec liens, etc… bof – et je ne crois pas que ce soit pour les libraires.
    Quand j’y réfléchi, je me dis que nous sommes des êtres humains et c’est un peu comme le chauffage électrique et le feu de bois dans la cheminé : tous les deux nous réchauffent, mais peut-être pas de la même façon, même si l’un peut paraître plus pratique que l’autre (à voir).

    Dans le Bouillon du Bibliobsédé, un article qui m’a fait sourire intitulé « Manipulation de lecteurs » (http://gothicsenebrus.canalblog.com/).
    « Enfin, parler de livre pour un tel objet [le livre électronique] est aussi aberrant que de parler de librairie pour un lieu où on vend du tabac, des cartes de vœux, des tickets de loterie et de torchons hebdomadaires. » Amusant !

    Justement, je me disais aujourd’hui que dire « livre électronique » à propos de ces périphériques, c’était complètement dévoyer le mot « livre ». Peut-être revenir au sens des mots permettrait aussi d’y voir plus clair. D’autre part, une liseuse, il me semble que c’est aussi le genre de canapé conçu pour la lecture. (Une personne du groupe de lecture nous a dit qu’elle lisait la nuit sur une liseuse.)

    Virginie, j’ai été un peu prolixe. Aussi ne vous donnez pas la peine de répondre aux commentaires si vous n’avez pas le temps. C’est noté et nous aurons sans doute un jour l’occasion d’y revenir.

  15. F dit :

    ai suivi discrètement l’échange, merci Renaud – reste juste le fait que ce qui détermine tout ça, ce sont en partie nos pratiques elles-mêmes – la Sony a fait migrer presque malgré moi mon temps de lecture dense de l’univers papier à un peu plus d’univers numérique, à ma propre surprise – le livre papier est une sorte de terminal dédié, enrichi pas mieux que ce qu’on apprend à faire dans le numérique (je lis en ce moment, et qu’est-ce que j’aurais aimé version numérique, le New York » de Rem Koolhas), sauf qu’il n’est pas superposable dans le même terminal – on est dans la préhistoire de tout ça, et Alain note bien comment ce qui se passe en ce moment dans les liseuses peut interagir en amont en faisant évoluer nos machines – décoller l’écran de mon MacBook pour ne garder que le navigateur eInk quand je vais lire tranquillo ou quand je suis en intervention, ils finiront bien par nous le proposer… ce n’est pas le « livre » qui fonde notre communauté, mais ce qu’il y a dedans et la capacité à y accueillir le temps lent et actif de la lecture dense

  16. JM Destabeaux dit :

    Musardage à propos du temps, de la finitude et de toute cette sorte de choses…

    Dans ma propre lecture, il y a un effort conscient pour m’évader de l’esclavage où me tient l’écoulement du temps. En tant que supports et conditions de l’argumentation et de l’inférence, la mise en forme typo-dispositionnelle, la spatialisation du discours, le volume fini (achevé donc frontiérisé) du livre, sa prédictibilité, me débarrassent de la soumission au flux oral, à la respiration d’autrui, où me renverrait l’impermanence d’un texte purement liquide.

    Je pourrais mesurer cette possibilité de libération de la linéarité par ce que je perçois du degré d’adhésion de la production à une régulation par le « genre typo-éditorial », sa position sur une échelle qui définirait la nature du contrat de lecture:

    – à une extrémité, les discours les plus contraints éditorialement (édition juridique, textes soumis à des obligations légales) et les textes fortement architecturés (communication technique, référence, ouvrages pratiques) sont généralement orientés « tâche ». J’y attends et j’y réclame le libre accès à des segments d’information. La prégnance des règles en aura d’ailleurs facilité la production, papier ou numérique. L’édition scientifique ajoutera une dimension supplémentaire à ces accès, en garantissant la validité du fond lui-même;

    – à l’autre extrémité, le narratif (fiction, récit), dont ma consommation s’apparente à la « performance » d’un flux audiovisuel, semble sur une liseuse se passer plutôt aisément de la mise en volume inhérente au livre matériel. Les genres « presse » (news et magazines) me paraissent encore moins régulés, si je considère que le discours y est multiple, fragmenté, agencé pour diriger mon attention et non s’y soumettre;

    – entre les deux, les genres occupant les positions médianes sur l’échelle de régulation semblent plus difficilement transférables: sur quelle segmentation attendrai-je la structuration d’un essai pour un accès numérique? comment certains types de paratexte (notes) vont-ils m’être restitués sur une liseuse? comment retrouverai-je l’équivalent du « doigt coincé entre deux pages pendant que j’en lis une troisième » dans un univers plat?

    Dans la plupart de mes lectures numériquement instrumentées, c’est en amont de l’expérience que le texte aura été préalablement discrétisé, componentisé, chunké, segmenté, topicalisé, relié… « meccanisé ». La consommation en aura souvent été envisagée comme la récupération d’unités d’information, d’objets substituables (paradigme), mais pas forcément prédictibles (syntagme). « Reading objects »…?

    Mon habituation au recul critique sur l’énonciation, cette distance permise par le livre édité fini, serait alors concurrencée par un apprentissage de la soumission aux régulations par l’accès, à des agencements dont les modalités d’édi(c)tion peuvent me rester impénétrables. Qui tiendrai-je responsable d’un hypothétique « 404 chapitre (ou prémisse, ou connecteur) not found »: la technologie? le diffuseur? l’auteur?… le « réseau »?

    O tempora, o fines…

  17. Virginie dit :

    @tous « le temps lent et actif de la lecture dense » dit François. Il me faudrait ce temps pour vous répondre à tous. Là, je prends juste celui de remercier JM pour sa façon de questionner une typologie de l’édition, de celle qui, architecturée, appelle structuration, à celle qui peut devenir flux et se déverser vers nos terminaux sans trop de chichis ni de dégâts… Et aussi pour « Reading objects », j’aime bien.

  18. Renaud dit :

    @Xavier Merci pour le commentaire. Je ne sais pas si les libraires sauront accueillir le numérique mais pour ma part, pour la partie du numérique qui double le papier ou l’enrichit, il est tout accueilli. Pourquoi m’encombrerais-je d’un périphérique avec tout ce que la implique de manipulation et de risques pour accéder au texte alors que je peux accéder au texte directement avec un livre. Cela n’est pas le cas de la musique sauf à en jouer soit même ou à aller à concert.

    @JM Destabeaux En accord avec vous en sachant qu’il y a autant de pratiques de lecture que lecteurs. (Ace propos, mes commentaires n’engagent que moi.)

    @Viriginie « Ce que le numérique « fait aux livres » touche toutes les dimensions des livres, chacun de leurs aspects, et il est vrai que nous avons tendance à nous focaliser sur un petit nombre de ceux-ci quand nous essayons d’y réfléchir. » Oui, c’est bien résumer.

    « Des pans entiers de l’édition professionnelle, médicale, scientifique, technique ont été « numérisés », sont diffusés en ligne, font l’objet de processus de production intégrant l’édition structurée. Il s’agit bien là de flux, et on en comprend bien l’intérêt, pour une information qui fait l’objet de constantes mises à jour. »

    Oui, tout à fait et c’est un progrès incontestable tant pour la rapidité d’accès à l’information (enfin quand on a accès à la connexion, que le périphérique fonctionne, que les logiciels savent interpréter le format) que pour la mise à jour, l' »update » de l’information continue et transparente pour les utilisateurs – à l’instar de la mise à jour d’une application « dans les nuages ». (Et les utilisateurs devraient être avertis de ce qui a été mise à jour.) À noter tout de même une édition papier de Wikipédia. De même, nous pouvons citer la presse qui est également un flux d’information. Cela dit, le « livre électronique » n’est pour rien là-dedans ; la révolution est déjà faite avec le web, non ? De même, on peut citer la littérature grise des entreprises et des administrations dématérialisée elle aussi depuis longtemps. Le « livre électronique » est un périphérique qui consomme cette information tout comme le font déjà le téléphone, le PDA ou le pocket PC. Mais, au fond, a-t-on réellement besoin d’un dictionnaire mis à jour en temps réel ? Idem pour le guide voyage ? Est-ce que tout cela ne risque pas devenir trop fluide ? Gardera-t-on « réellement » la trace, la mémoire de toutes ces strates qui font l’histoire de la langue et de la géographie par exemple ? Les données seront-elles historisées, les éditions versionnées ?

    De mon point de vue de lecteur, c’est le texte littéraire en tant que « stock » intéresse. La lecture de l’actualité est une lecture sans fin, tandis que la lecture d’un roman, d’un essai,… est une lecture finie. Si l’on peut avoir plusieurs lectures, le texte lui est invariant. En mettant le point final, l’auteur scelle le texte. Son travail est terminé et s’il n’est pas encore satisfait, il le commencera sous une autre forme comme un artisan. Dans ce contexte, je ne vois pas(plus) ce que le livre électronique peut apporter. De ce point de vue, je le regarde même comme une régression pour les raisons évoquées ci-dessus, et la liste est non exhaustive. J’ai fait mienne la formule selon laquelle « le livre est un objet indépassable ». (Cela dit, je ne prétends imposer mes vues à personne. Il existe d’autres lecteurs comme le montre François.) Ici, ce qui laisse ouvert le texte littéraire, ce sont les discours sur le texte qui se poursuivent entre lecteurs, avec l’auteur, avec le traducteur, avec l’éditeur. L’idée que c’est le même texte qui a traversé les époques et qui perdurera est rassurante, et je peux me référer aux commentaires quelle que soit l’époque.

    Ce n’est pas l’unique façon d’envisager le texte littéraire comme on le voit avec les expérimentations de « publie.net ». Le texte littéraire peut lui-même être considéré comme un flux, peut-être plus visqueux que celui de l’information quotidienne, et mis à jour à l’instar du dictionnaire. (Aura-t-on des versions, des « release » de texte littéraires ?) On ne peut dire si cela correspond aux attentes en matière littéraire, ni dans quelle mesure, et expérimenter dans ce domaine est effectivement une nécessité pour avancer. Il est vrai les usages peuvent aussi évoluer. Le texte littéraire comme flux, c’est aussi celui que les japonnais découvrent au fur à mesure sur leur téléphone. C’était aussi celui que l’on retrouvait dans les journaux comme autant de « feuilletons », justement.
    Quoi qu’il en soit, ce que le « livre éclectronique »(je laisse la coquille :-) fera au livre, espérerons que ce sera en bien, pas comme pour la musique.

    Virginie, vous posez une question intéressante quand vous écrivez : « Simplement, il [le livre] devient un parmi d’autres moyens d’accéder aux textes. Il perd sa suprématie. L’impression à la demande est assez emblématique de cette évolution : le livre existe virtuellement, il est possible d’en commander une occurrence sous la forme d’un fichier numérique, mais il est possible aussi d’en commander un exemplaire imprimé. »

    Le « livre » de l’impression à la demande est effectivement une occurrence parmi d’autres du fichier électronique. Suivant que vous dirigiez le flux vers tels ou tels périphériques, par exemple un Ipod, tel modèle de téléphone, tel modèle de livre électronique, tel modèle d’EBM,… vous aurez une occurrence de votre fichier de électronique. Dans le paradigme « immatériel », ni l’auteur, ni l’éditeur ne maîtriseront la sortie, le rendu qui sera à la discrétion du lecteur. C’est une facilité en terme d’accessibilité. Dans le paradigme « matériel » au contraire, le livre, celui que l’éditeur a conçu avec l’imprimeur, voire l’auteur, en terme de typographie, de mise en page, de qualité de papier, de format, qualité d’encre,… Ce livre est-il seulement une occurrence du texte parmi d’autres ? Je ne crois pas. D’un côté, la souplesse et le caractère générique du fichier électronique ; de l’autre, un objet à part entière au sens où il a été pensé et conçu en tant que tel pour servir le texte et le lecteur.

    @François « Ce n’est pas le “livre” qui fonde notre communauté, mais ce qu’il y a dedans et la capacité à y accueillir le temps lent et actif de la lecture dense. » Oui, ce n’est pas le livre qui fonde la communauté virtuelle. Mais dans la réalité, on peut se demander si l’on se réunirait autour de textes affichés sur des périphériques. D’ailleurs, si nous avions tous des livres électronique, existerait-il encore des librairies pour réunir les lecteurs ?

    Ce matin, j’ai reçu l’info suivante : « Les majors prêtes à abandonner les DRM pour faire passer la riposte graduée ?

    Les maisons de disques veulent apparemment frapper un grand coup avant l’examen, le 29 octobre, du projet de loi Création et Internet au Sénat. Selon nos confrères de PC Inpact, elles prévoient d’annoncer la veille, la levée des DRM (mesures de protection contre la copie) sur les titres des catalogues français vendus en ligne.

    Les ayants droit respecteraient ainsi leurs engagements, consignés dans les accords Olivennes en novembre 2007. Ce texte prévoit que les producteurs de musique abandonnent les fameuses mesures techniques de protection « dans un délai maximal d’un an à compter du fonctionnement effectif du mécanisme d’avertissement et de sanction ». Mécanisme aussi connu sous le nom de riposte graduée, et qui consiste à prévenir les internautes soupçonnés de téléchargement illégal, puis à les sanctionner par la coupure de leur accès internet.

    En devançant leurs obligations, les ayants droit espèrent ainsi montrer aux sénateurs leur bonne volonté dans le développement des offres légales, et les convaincre de la nécessité de remplir leur partie du contrat : la mise en place de la riposte graduée. Reste à savoir si cette stratégie parviendra à ses fins, dans un contexte où le concept même de riposte graduée est très contesté. » (http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39384352,00.htm?xtor=EPR-100)

    Et un internaute de commenter : « Autant annoncer qu’on abandonne l’utilisation de la ceinture pour le fouet ! »

  19. F dit :

    mais, Renaud, on n’arrête pas de le dire, de le crier : les librairies qui sont des pôles de diffusion littérature ont dès à présent un rôle qui ne se limite pas au livre, voir Sauramps, Kléber, Ombres Blanches, Dialogues, Tschann… alors même que des pans entiers d’activité quittent la librairie, sciences humaines (budget annuel acquisition numérique BU moyennes comme Poitiers et Angers, 600 000 euros pour l’une, 400 000 pour l’autre, le Net n’est plus une économie clandestine – et ça a été approprié par les grandes banques de données, hors livre), mais aussi les guides de voyage

    alors, marchons ensemble, résolument, vers ces produits mixtes, qui incluent le numérique, travaillons à des licences d’accès numérique en prépublication papier, et continuons de faire des librairies des lieux de médiation, avec lectures, interventions

    le problème pour le tout petit jardin de la littérature contemporaine, c’est que l’accès papier est quasiment interdit désormais, ou en voie de régression mesurable – nous ne lésons pas les libraires en basculant dans le numérique : ce sont des textes qui n’auraient pas accès à leurs vecteurs de diffusion cartons camions, mais pour nous dès à présent non pas instance de survie, mais instance d’un autre pacte littéraire, en lien avec les flux des blogs, en articulation neuve auteur/lecteur etc – pour ma part, changé de métier, changé de monde : on s’y retrouve quand même un de ces 4 ?

  20. Renaud dit :

    @François Je comprends ce que vous voulez dire. C’est compliqué de vous répondre. Avec l’édition numérique, on pourrait parler « trouvabilité » (quand les libraires peinent déjà à faire le tri dans les publications papier et à mettre en avant les livres qu’ils estiment), étude de marché/d’opportunité par rapport au livre électronique et aussi à la littérature contemporaine/expérimentale, compétences techniques, gestion des droits, etc… En vis-à -vis, nous savons qu’il est probable que d’ici peu nous téléphonions tous avec un livre électronique ou que nous puissions lire sur du papier électronique avec un téléphone, comme vous voulez. L’environnement est changeant, incertain et vraiment complexe, et les libraires ont peut-être d’autres priorités, surtout les petits. (J’ai l’impression que le travail du libraire, c’est 1/3 manutention, 1/3 commercial, 1/3 lecture.)

    L’édition numérique pour la littérature contemporaine et pour les jeunes auteurs peut être une opportunité. Mais il ne faut pas se leurrer non plus. Raisonnons par l’ « absurde » et imaginons qu’il ne reste que des livres numériques : le défi sera toujours d’être visible non pas dans une librairie, mais sur le web ou sur le portail de l’opérateur téléphonique. Et lirons-nous plus de littérature contemporaine pour autant ?

    Je comprends les contraintes auxquelles est confrontée la littérature contemporaine. Cela dit, je trouve qu’elle circule plutôt bien par les blogs et c’est bien de publie.net soit là aussi pour la structurer et la diffuser (et ce d’autant plus que techniquement cela semble tenir la route très bien avec l’équipe de immatériel).
    Il reste que je suis attaché à la simplicité et à l’immédiateté de l’accès au texte que procure le livre papier. Question électronique, je sature et si la lecture loisir devient électronique, « ça pas le faire ». Pour ma part, le défi pour un auteur sera toujours de passer du manuscrit, du fichier électronique, du blog,… au livre papier. Mais peut-être qu’aujourd’hui, qu’en ce moment, ce n’est plus possible, je ne sais pas. Et si ce que l’auteur a produit ne tient pas sur du papier, c’est peut-être de l’art, mais ce n’est peut-être plus de la littérature. Je crois que certains lecteurs, certains éditeurs, certains libraires (dans quelles proportions ?) restent profondément et presque exclusivement attachés au livre papier. Du moins, c’est mon impression de lecteur. Cela n’empêche évidemment pas de travailler et d’expérimenter d’autres formes.

    En résumé, tout le monde n’a pas un pied l’autre monde, et tout le monde n’est pas prêt à l’y mettre. Petite anecdote : j’ai discuté avec une libraire de Virgin que je connais et qui est très compétente. Quand je lui ai dit que je tenais un blog, j’ai appris qu’elle n’avait pas Internet chez elle, ni même un ordinateur d’ailleurs !

    Sinon, oui, on s’y retrouvera un de ces 4.

  21. F dit :

    c’est certainement les bonnes questions, Renaud, et c’est vital que nous explorions ce versant – il n’en reste pas moins qu’Internet devient à lui-même sa propre finalité : c’est un lieu déterminant de pratiques culturelles, associant pratiques privées, voire intimes, et pratiques sociales, aussi bien loisir, utilitaires, que professionnelles – et nous n’irions pas à cet endroit reconduire, aussi peineusement et difficultueusement que dans le monde non virtuel, notre responsabilité de mise en réflexion du langage, mise en représentation de ce qui nous fonde comme communauté ?

    Et cette belle phrase de Pascal, pour le dimanche : « Travailler pour l’incertain, aller sur la mer, passer une planche. »

    « Immédiateté de l’accès au texte » : c’est bien ça l’enjeu de ce qui devient une vraie lutte…

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