libraire tout nu

« Avec le numérique, sans papier, on est libraire tout nu. Pourtant les textes-livres édités sont toujours là. Mon intérêt pour le numérique est celui de quelqu’un qui veut prendre à bras le corps les enjeux d’une médiation sans stocks. A mon avis le métier de libraire a toujours du sens même avec l’édition numérique : mettre en scène à un moment donné et dans un lieu créé une offre intelligente. L’arrivée de nouveaux supports ne fait que complexifier la médiation. En même temps elle offre de nouvelles possibilités. Je crois qu’il y aura toujours des auteurs qui voudront confier l’édition de leur travail à des éditeurs et des éditeurs qui voudront confier la commercialisation de leurs livres, quels que soient les supports, à des libraires. » (Stéphane Michalon, responsable chez Tite-Live, interviewé par Bernard Strainchamps.)

ePagine, filiale de Tite Live, a confié à une centaine de libraires et d’éditeurs des liseuses Cybook de Bookeen chargées avec plus de quarante nouveautés de la prochaine rentrée littéraire. La règle du jeu : seulement des premiers romans ou des premières traductions. Une excellente idée, et une opération montée et réalisée en un temps record : contact avec les éditeurs, récupération et préparation des fichiers, chargement des liseuses, remise ou envoi aux libraires… (détails et liste des éditeurs participants à la fin de ce billet sur Acutalitté.)

Même si j’avais déjà eu l’occasion de manipuler cette liseuse, j’en ai cette fois « adopté » une pour une durée plus longue, et, sortant d’une approche de type test, j’ai commencé ce week-end à l’utiliser réellement. Et, ma foi, on s’habitue plutôt bien, et au bout d’un moment le miracle se produit, le même qu’avec un livre imprimé. Il n’ y a plus de support, il n’y a plus de manipulation, il n’y a plus de toucher, d’odeur, de sensation. Il n’y a plus que la lecture qui vous emporte… J’emmènerai donc en vacances la semaine prochaine une étagère entière de livres numériques.

Et aussi : intéressantes réflexions et longue discussion sur le blog Attrape Cœurs, à propos de publie.net : me sens décidément bien en phase avec les analyses de Renaud.

(illustration : homme nu de dos s’appuyant sur un bâton dessin de Seurat, crédits photographiques RMN.)

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11 réponses à libraire tout nu

  1. F dit :

    un petit bug dans ton lien vers L’Attrape-Coeurs :
    http://blog.attrape-coeurs.com/post/2008/07/22/publienet-Wagon-Jacques-Serena (note de V.Cl : c’est corrigé, merci François !)

    et promis tu nous diras quel libraire a posé pour le dessin ?

    pour ma part, une bonne centaine d’eBooks dans ma bécane, en fait déjà le coeur de ma bibliothèque, ceux qui ont toujours été près de la table de travail, avec Montaigne, Saint-Simon, Balzac, Chateaubriand, Nerval

    évidemment tout se bloque au 20ème siècle

    maintenant que les « liseuses » vont se répandre (et si on compare au prix des étagères chez IKEA, c’est pas si cher), il va falloir ouvrir le dossier des contenus : suis littéralement affligé par le niveau éditorial des eBooks « gratuits » souvent dérivant de la même source, qui prolifèrent sur plein de sites, donc évidemment avec les mêmes fautes ou approximations, pas d’insécables, alors que précisément la « liseuse » commence à devenir un vrai compagnon lorsque le texte a vraiment été préparé pour ce format écran…

    et pas mal de sites aussi à jouer avec le feu question copyrights sur traductions, de quoi s’attirer pas mal de foudres d’éditeurs classiques

    autre dossier à ouvrir : la façon dont les « liseuses » s’intègrent dans nos univers de boulot – en tant qu’outil de lecture « professionnelle », c’est un marché qui avant était réservé à l’Iliad pour les notices techniques

    question annexe : comment Bookeen va tenir avec appareil à 350 euros si le Sony déboule à 200 (avec en plus la facilité que donne au Sony la lecture directe des rtf) ? – alors que les 2 sont suffisamment différents pour coexister

  2. Renaud dit :

    Je n’ai pas testé de liseuse à ce jour mais je bien suis d’accord. Enlevez le poids du livre s’il est gros, enlevez l’odeur et le bruit de la page tournée – que l’on nous promet sur certaines liseuses, y aura-t-il bruit de page Pléiade et un autre Folio ? – et que reste-il ? Le texte.
    Qu’est-ce qui nous transporte ? Le texte.
    Ajoutez un confort visuel identique – voire meilleur d’après ce que j’ai pu lire -, un rapport poids et un volume/nb de pages défiant toute concurrence, une autonomie de plusieurs milliers pages sans compter toutes les possibilités de communications que l’on nous promet et le livre-objet aura toutes les chances d’être relégué au statut d’objet de décoration d’intérieur avec le mange disque et les microsillons.

    Au fait, Virginie essaierait-elle, sans y toucher, de concurrencer la cage de Sylvère ?

  3. Renaud dit :

    Argh, François m’a encore devancé ! :-)

  4. F dit :

    ça m’a toujours fait marrer (mais aussi assez énervé dans les musées où on ne voit plus que des appareils photo levés) que sur les compacts et même les téléphones bas de gamme on émette à la photo un clic qui mime le bruit du réflexe – et la plupart des utilisateurs ne vont même pas chercher dans le menu comment le mettre off

    pour les flip books c’est pareil, l’autre jour je testais scribd wobook et les autres, presque tous se sentaient tenus à un bruitage de papier froissé, c’est ridicule

    là, avec 3 semaines de Sony, je commence juste à évacuer 50 ans de réflexe de tourne de page, le pouce gauche ou l’index droit qui cliquent sur un des 2 boutons selon la position – cela suppose d’autres réflexes pour « l’épaisseur » du livre (par pression prolongée sur le poussoir, on avance de 10 pages), mais surtout c’est à NOUS de construire de façon différente les fichiers sources, quels que soient les formats (pdf ou epub, ou même rtf, pour ma part je vais faire l’impasse sur prc/mobipocket), pour que les pages d’accueil du texte (ou le menu signets dans Digital Editions), ou zone de navigation « tactile » pour l’iPhone permettent un déplacement instinctif dans la « construction » du texte, que nous offrait l’épaisseur du livre papier – c’est plutôt enthousiasmant aussi comme défi

  5. F dit :

    mais non, c’est du ping pong de dimanche soir!

  6. F dit :

    n’ai jamais été en relation avec Bookeen malgré prise de contact mail, faut croire que ça les intéressait pas donc roulez carrosses… pareil qu’avec nos chers éditeurs : si intéressés, on est là pour discuter et réfléchir – sinon, ben on se débrouille…

  7. ms dit :

    ah mais, on est bien maintenant sous les frondaisons pour écouter ce qui se dit ! moi j’ai très envie d’un iPhone, à la rentrée may be…

  8. F dit :

    @ MS : ferais bien essai « atelier 62 » sur Sony si tu m’envoies texte def (rtf) – bien sûr réservé aux déjà lecteurs!

  9. ms dit :

    @ F : complément à la réponse off : évidemment qu’il faut que ce soit réservé aux déjà lecteurs, sinon je ne pourrai jamais m’acheter mon iPhone !

  10. michèle pambrun dit :

    C’est vrai qu’on est drôlement bien à vous écouter tous pendant que le Chasse-clou roule vers l’Italie, les lentilles sur sa liseuse et Lise qui conduit !
    Merci Virginie de ne jamais laisser quiconque sur le bord du chemin : la cage à Sylvère, je ne connaissais pas !

  11. bruno Rives dit :

    @F « suis littéralement affligé par le niveau éditorial des eBooks gratuits souvent dérivant de la même source ». 100% d’accord. Perte des illustrations, des notes, insécables, césures; compositions aléatoires, sans référence d’édition, citation de ceux qui ont fait le travail de reprise, ni préfaces; typos standardisées! Si les ayant-droits « moraux » se réveillent, cela va faire mal…

    Captivants sujets de réflexion que ceux de la matérialité du livre et de son « ergonomie ». On « imite » le livre traditionnel, comme l’ont fait pendant une période de transition les industriels de la photographie, pour ne pas rebuter, pour rester compatible, mais en même temps le lecteur s’habitue à de nouveaux modes de consultation et il est crucial d’innover, d’inventer des modèles pour exploiter au mieux et démontrer les apports des nouveaux supports.

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