J’aime bien le mot gadget, c’est un mot gai, un mot qui ne se prend pas au sérieux. Alors j’aime bien aussi widget, qui lui ressemble. Comme le gadget le widget est un objet dont on pourrait très bien se passer, comme lui il a cependant quelque chose d’irrésistiblement attirant…
Je suis sûre que le « widget book » dont on peut voir ici deux exemples, (sur le site d’If:book, via La Feuille) l’un produit par Random House et l’autre par Harper Collins attirera irrésistiblement ceux qui ont déjà craqué récemment pour les tournepage et autres feuilleteurs, avec simulation de la page qui se tourne. Comme s’il était nécessaire de convoquer, encore et encore, le livre dans sa dimension d’objet, avec son aspect, son poids, sa forme, pour que l’écran se fasse livre, comme l’automobile, dans ses premières années, se faisait carosse… (ou citrouille ? Non, là, je confonds…)
J’aime les livres, mais je les aime en vrai, j’aime les manipuler, tourner leurs pages, j’aime leur odeur, leur texture. J’aime aussi les écrans, leurs reflets, les apparitions /disparitions qu’ils permettent, le miracle toujours renouvelé des liens, les petits bonheurs d’interfaces astucieuses, les virtuosités de certains flasheurs, la rigueur limite Bauhaus des designers CSS, l’intelligence des développeurs qui fuse et se diffuse. Mais tourner en ligne les pages d’un livre… Pour quoi faire ?
Moi aussi, je ne suis pas fan des « tournefeuilles », qui me semblent être le contraire de ce qu’on attend du web. Pourtant, il y a dans ce gadget quelque chose de plus que dans les feuilleteurs. Ce n’est pas la possibilité de chercher dans le livre, la plupart le propose déjà. C’est, il me semble, le fait que ces objets puissent être déportés. Le fait qu’on puisse mettre le livre sur son site, y accéder depuis n’importe où. Le livre n’est plus enfermé dans une bibliothèque (celle de Google ou d’un éditeur), mais devient vôtre.
Maintenant, c’est peut-être un miroir aux alouettes. Peut-être que son usage ne prendra pas. Peut-être qu’on verra juste fleurir des widgets que personne n’utilisera…
À suivre, donc… Je ne doute pas spécialement de l’intérêt du widget, je m’interroge sur son interface, qui se base sur « l’objet livre », identifiant le contenu à son support. Peut-être que les métaphores, en définitive, aident à effectuer des tansitions. Peut-être que l’on aura encore besoin de celles qui convoquent les caractéristiques physiques du livre pour accompagner la migration de nombreux livres sur le web, simplement parce que cette forme donne des repères, permet d’identifier certaines caractéristiques d’un texte (en gros, le fait qu’il a été l’objet d’une publication « papier »…) d’un seul coup d’oeil. N’avons-nous pas tous parfois besoin d’être rassurés ?
Je doute qu’en l’occurrence la métaphore ait la moindre vertu rassurante : l’animation du changement de page ne correspond à aucune fonction intuitive. En plus elle donne l’impression que simuler à l’aide de la souris le geste de saisir un angle, une bordure pour tourner la page va fonctionner mais certaines interfaces ne le permettent pas et utilisent un bouton hors de l’image des pages…
Frustration asssurée, j’imagine aussitôt le manuscrit précieux enfermé dans sa vitrine, avec une commande de manipulation accessible au visiteur du musée : « On touche avec les yeux! »
Ce qui fonctionna avec la corbeille c’est la bonne adéquation entre nom, fonction et geste de mettre à la poubelle; l’animation et le bruitage sont venus après, comme un clin d’oeil.
Autre feuilleteur : http://ttp.bl.uk/collections/treasures/blake/blake_broadband.htm?middle
Ce lien vers le Notebook de William Blake sur le site de la British Library est intéressant.
Ce n’est pas seulement rassurant de voir ce livre à l’écran, c’est aussi émouvant, parce qu’il s’agit d’un manuscrit, avec des dessins, et que le dispositif proposé autour de ce manuscrit est très performant. La loupe, l’affichage du texte etc. Effectivement, ce qui fonctionne le moins bien dans ce dispositif c’est la tourne des pages (ça se dit « la tourne ? »), on doit souvent s’y reprendre à plusieurs fois, on ne sait pas à quel moment lâcher la souris, s’il faut se déplacer et à quelle vitesse…
La version 2 bêta cherche à se rapprocher d’une expérience plus tactile:
http://http://www.bl.uk/ttp2/ttp2.html.bl.uk/browserapp.xbap
La technologie n’est plus du Flash (XAML), et la démo nécessite XP, .NET 3, IE.
Cela dit, même s’ils rajoutaient un retour de force, on serait toujours fondé à se demander « so what? »…
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