Cher F,
Tout d’abord, je te rassure : Hubert a mis de côté pour toi un T-shirt « BookCamp », très joli, blanc avec le logo gris et rouge…
J’ai pris le métro hier midi avec un peu d’avance, bonne fille, me disant qu’il y aurait peut-être besoin d’un coup de main à la Cantine avant l’arrivée des BookCampers. Trouvé un mot scotché sur la porte vitrée avec un plan : « le bookcamp dîne ici », alors j’ai continué d’avancer dans le passage (la Cantine se trouve dans un passage couvert qui donne sur la rue Montmartre), et effectivement les GO du BookCamp n’étaient pas du tout en train d’installer des chaises ou de dresser des panneaux d’affichage, ils déjeunaient tranquillement en terrasse. Alors je me suis attablée avec eux, et j’ai commandé une salade. Le temps d’échanger des nouvelles, de déplorer ton absence, de faire un peu joujou avec le Kindle tout neuf qu’Alain Pierrot m’a mis dans les mains, il était deux heures.
Hubert Guillaud nous l’avait dit, un BookCamp est essentiellement dispensateur de frustration : il suffit de regarder le tableau où est inscrit (à la craie) le programme : 3 horaires successifs, et pour chaque tranche horaire, pluieurs ateliers. Entre chaque séance, une demi-heure pour circuler, échanger, se faire raconter par quelqu’un d’autre l’atelier auquel on n’a pas pu aller.
Je n’étais jamais venue à la Cantine. Les premiers participants discutent déjà dans un grand espace ouvert, articulé autour d’un escalier à vis qui grimpe sous une verrière.
Deux zones sont aménagées comme des salles de réunion, mais certains ateliers ont lieu aussi autour du bar ou dans le coin salon. Coup de chance pour la paresseuse que je suis, c’est là qu’Alain Pierrot et Hadrien Gardeur animent le premier atelier où j’ai choisi d’aller. J’ai donc la possibilité de m’installer confortablement sur un canapé, bien entourée de Christian Fauré et de Guillaume Teissère. Alain et Hadrien ont apporté des liseuses, et aussi des livres, et nous parlent lecture, page, lisibilité, mise en page, typographie, moteur de composition… Tu as suffisament échangé sur ce thème avec eux pour que je ne te résume pas leur intervention. Ils ne diront pas, et c’est aussi typique d’un barcamp, le quart de ce qu’ils ont prévu de dire, car les participants interviennent rapidement dans le débat. Les questions inévitables surgissent, auxquelles il faut répondre, en essayant de ne pas s’égarer… On retrouve les clivages habituels, ceux qui baignent dans la culture web, qui ne voient pas bien pourquoi on s’embête avec cette question de la restitution de la page, et sont convaincus que tout se règle avec un navigateur web, une bonne interface et du texte recomposable. Ceux qui considèrent que de passer au numérique, si c’est pour faire comme sur le papier, ce n’est pas la peine, et qu’avec une liseuse on doit afficher du texte, mais aussi des animations, des sons, des vidéos. Alain, qui n’en est pas à son premier débat sur le thème, excelle a faire prendre conscience, à l’aide d’exemples, de la complexité du livre imprimé. Complexité cachée, parce que prise en charge par les différents métiers, de manière que le lecteur, au final, soit dans le plus grand confort pour rencontrer un texte. Et la question est bien, si on va vers des lectures sur support numérique, de reconstituer une chaîne de production et de savoir qui assume les décisions nombreuses et insoupçonnables qui font que le livrel se présentera de telle ou telle manière, offrira telle ou telle fonctionnalité. Bon, tu connais par coeur tout ça, auquel tu te confrontes avec publie.net.
Pour la deuxième session, je n’ai pas à faire de choix d’atelier, puisque j’ai promis d’en animer un, avec Xavier Cazin, Alain Pierrot et Guillaume Teissère. Pas question de m’appuyer sur les slides que j’avais préparés : pas de grand écran, et trop de monde pour que chacun puisse lire sur l’écran de mon mac. On s’en passera très bien, pour évoquer la question : « qu’est-ce qu’un site d’éditeur 2.0 ? ». Un site d’éditeur, ça intéresse qui ? Qui va y venir ? Pour y trouver quoi ? On va parler catalogue, fils RSS, widgets. On va rappeler qu’un site, ça n’existe pas tout seul, c’est un élément d’un système plus vaste, qui n’existe que par les liens qu’il offre, entrants et sortants, vers les autres éléments du système. Le web vient bousculer en profondeur la fameuse chaîne du livre, sa confortable linéarité : auteur-éditeur-diffu/distributeur-libraire-lecteur. Avec le web cette linéarité fait place au réseau, et de nouveaux maillons apparaissent : moteur de recherche, sites sociaux, blogs de lecteurs, sites de bibliothèques, sites d’auteurs. Christian Fauré rappelle à juste titre que « web2.0, ça veut dire aussi un site qui parle aux machines, un catalogue conçu de telle manière qu’il puisse s’afficher ailleurs que sur le site de l’éditeur ». J’aurais aimé en profiter pour lui demander de nous parler de web sémantique, mais le temps manque, et j’ai promis à Constance Krebs de lui en laisser un peu pour présenter le très joli projet qu’elle prépare actuellement, autour d’un livre qui sera publié à la rentrée aux éditions Zulma, dont elle propose une version accessible sur le web, et nous terminons la séquence en découvrant en avant-première le très beau travail qu’elle a réalisé avec la complicité de Yann de Roeck et de Jean-Marc Destabeaux.
Je connais, cher F, ton amour des librairies. Le temps que tu passes dans les trains pour en rejoindre une, à Brest ou à Metz, à Montpellier ou à Toulouse, pour y faire une lecture, pour y présenter un livre. Tu en parles souvent sur tiers-livre. Tu les photographies. Si tu avais pu venir, tu te serais installé comme moi sur un tabouret de bar de la Cantine pour écouter Antoine Stéphane Michalon, enregistré par Hélène Clémente (avec le même truc que tu as, le super enregistreur extra plus numérique dont je ne connais pas la marque…), proposer une réflexion sur la mise en scène d’une offre de livres numériques en librairie. Tu aurais vu Hubert faire signe à Bernard Strainchamps de Bibliosurf de venir se joindre à la discussion. Tu aurais entendu Bernard raconter son expérience de libraire sans librairie, entièrement en ligne, une eLibrairie de proximité, rien à voir avec Amazon… Une jeune libraire pose les bonnes questions : oui, mais comment ajouter cette pratique de médiation numérique quand il faut aussi gérer la librairie réelle, et qu’on n’a pas un temps dédié pour ça, et qu’on n’en connaît pas assez sur la technique pour même être en mesure de choisir un bon prestataire web et de lui formuler ses demandes avec suffisamment de précision pour obtenir le site dont on a besoin ? Le livre numérique en librairie ? Des écrans pour les clients ? Des clés USB ou des SD cards ? Le temps là aussi passe trop vite pour qu’on ait le temps de conclure…
Il va me falloir conclure aussi ce message, déjà trop long. Te dire que j’ai eu le plaisir de faire la connaissance IRL de Pierre Mounier, dont j’apprécie tant les messages sur Homo Numéricus, le site comme le blog, et qui publie un article intéressant sur rue 89. Ne pas citer, pour ne pas ajouter à ton regret et parce que j’en oublierais certainement, les noms de tous ceux que j’ai aperçus sans avoir le temps de leur parler.
Te dire aussi qu’on en refera un, de BookCamp, pour que puisse avoir lieu cet atelier que tu avais proposé, la rencontre d’un parapluie et d’une machine à coudre, ou « montre moi ce qu’il y a dans ta liseuse, je te montre ce qu’il y a sur mon disque dur »…
message reçu
(accusé de réception ici :
http://www.tierslivre.net/forum/viewtopic.php?id=60
petite correction : Stéphane Michalon… et grande attente sur tout ce qui se passera de ce côté là
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Je trouve aussi qu’il a une tête à s’appeler Antoine ;-)
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Virginie, certains me demandent tes slides sur editeurs 2.0 !
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