« Est-ce que l’industrie de l’édition réagit assez rapidement et travaille suffisamment créativement pour s’adapter à la nouvelle économie de l’information et des loisirs ? », demande Sarah Lloyd dans son manifeste.
Ce qui est en train de changer rapidement, dans l’industrie de l’édition, se situe du côté de sa dimension industrielle. Changer, c’est ce que l’industrie fait le mieux. Se doter des infrastructures que le développement du numérique requiert, adapter la distribution, trouver de nouveaux business models. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, cela implique de lourds investissments, mais ce sera fait, il n’y a aucun souci à se faire à ce sujet.
Ce qui est plus complexe, c’est l’évolution de la fonction éditoriale. La partie « édition » de l’expression « ‘industrie de l’édition ». Le défi pour les éditeurs, c’est de changer vite, pour continuer à faire exister leur métier. C’est de prendre conscience que toute la subtilité et la complexité de leur métier réside justement, dans ce qui, de ce métier, ne peut se numériser. Leur capacité de lecture, de discernement, de détection des talents. Le processus patient qui leur permet d’accompagner un auteur dans la transformation de son manuscrit en livre. L’infini souci du détail, ce que leur regard perçoit et qui échappe au lecteur, alors qu’il contribue immensément à son plaisir de lecture. Leur empreinte sur la publication, non d’un livre isolé, mais d’une collection, qui crée des liens entre différents auteurs, différents textes, et leur capacité à créer un catalogue et à le faire vivre. Mais cela ne signifie pas que les éditeurs doivent se détourner du numérique. Ils doivent changer, au contraire, justement parce qu’ils sont dépositaires de savoir-faire indispensables et non numérisables.
Changer pour continuer d’offrir des lectures de qualité, quel que soit le support de restitution choisi par le lecteur. changer pour savoir s’attacher avec la même exigence à la qualité d’une publication numérique qu’à celle d’un livre imprimé. S’intéresser aux supports, aux formats, aux technologies, pour injecter dans les ouvrages de demain la qualité d’expérience qu’ils savent offrir aux lecteurs d’aujourd’hui. Transposer ces savoir-faire dans des nouvelles formes éditoriales : se soucier de la qualité de l’expérience utilisateur de ceux qu consulteront leurs publications en ligne, de ceux qui utiliseront leurs plateformes éditoriales, même si c’est pour mixer leur propres contenus à ceux proposés par l’éditeur, où pour personnaliser des ouvrages. Ne pas lâcher un pouce de terrain sur ce qui constitue les fondements de leur métier : la précision de la réflexion, la capacité de discernement, de tri, de choix, l’exigence intellectuelle. la sensibilité à la qualité de la langue, la recherche de la perfection dans la présentation et la finition. Cela demande de gros efforts, car il s’agit non de substituer des savoir-faire nouveaux aux anciens, ce qui se ferait naturellement, par le simple effet de la relève des générations, mais bien de faire évoluer les savoir-faire existants, de leur accoler de nouvelles connaissances et habiletés, pour que rien ne se perde de ce qui a été acquis. Changer, mais pas seulement pour s’adapter. Changer, pour être en mesure de préserver et de transmettre.
Merci pour cet article passionnant !
Tant que les éditeurs feront bien leur métier de « passeurs de textes », je crois que leur rôle sera toujours reconnu. N’oublions que le web est justement un autre moyen pour « passer » encore plus. Je reviendrais bientôt sur l’excellent livre de Francis Pisani qui est sorti en mai. « Journaliste-citoyen », « journaliste en réseaux », des termes que l’on peut transposer parfaitement à l’édition. Aux éditeurs de demain de nous surprendre avec de nouveaux livres, papiers et électroniques… Bravo pour cet article Virginie.
L’édition, le livre, le texte, la typographie et la maquette, même recommandation, ne pas s’asseoir dessus!
(Une recommandation qui pourrait être la maxime des éditions Bottin.)
Très jolie illustration trouvée chez Aude (2006) Cathedra, calligramme, « Prière de ne pas s’asseoir dessus. Peinture fraîche. »
Une idée pour le SNE, dont l’une des salles est ornée d’un fauteuil en bois sculpté, dont l’assise est un livre.