Une mise en tension décrite dans le rapport de Françoise Poyet et Sylvain Genevois sur les usages pédagogiques du Cartable électronique de l’Isère.
Extrait :
« Certains travaux [(rapport IGEN, 2002) et (Puimatto, 2006)] montrent une certaine incompatibilité entre la logique spatio-temporelle des Espaces Numériques de Travail (ENT) et la logique pédagogique traditionnelle liée à la « forme scolaire». En effet, l’intégration d’un ENT (le cas du cartable électronique®) rompt l’unité de temps, de lieu et d’espace (1 professeur, 1 classe, 1 discipline, 1h de cours…) de la « forme scolaire ». Et la logique de réseau, entrant en divergence avec l’organisation scolaire, implique un élargissement et une redéfinition de la communauté éducative ainsi qu’un changement de paradigme d’enseignement et d’apprentissage. »
Et cette définition de la « forme scolaire » :
Dans les collèges et les lycées, les principaux traits de la forme scolaire sont : des groupes d’élèves formés, stables pendant un an, des savoirs distribués suivant un ordre préconisé, par année et par cycle, des savoirs et un ordre de leur présentation, définis par discipline, des manuels conçus en fonction des règles précédentes, une répartition du temps basée sur l’unité horaire, selon un emploi du temps hebdomadaire, des professeurs du secondaire spécialisés par discipline, l’importance accordée à l’écrit dans l’acquisition des savoirs. Ces traits prennent du sens les uns par rapport aux autres, dans un cadre culturel donné, grâce au « paradigme pédagogique » de l’établissement.
A lire aussi dans ce rapport, une exploration des différentes métaphores utilisées avec le « cartable électronique » et l’utilisation d’équivalents virtuels des objets usuels de la vie scolaire : le « cartable » (qui entre nous disparaît très tôt au profit du sac à dos), le « casier », le « cahier de textes ».
Supprimer un document en faisant glisser son icône sur l’icône représentant une petite poubelle toute mignonne, plutôt que de taper « DEL fichier-truc.bidule », regrouper les fichiers dans des « dossiers » plutôt que dans des « répertoires » : la grande réussite du Macintosh, inspiré des recherches menées chez Xerox, et rapidement copié par Microsoft a été l’utilisation de métaphores qui ont largement contribué à faciliter l’accès du grand public aux ordinateurs. (Voir à ce sujet, sur le site multimedialab la traduction par Marc Wathieu d’un article d’Alan Cooper (1995) : the myth of metaphor qui critique le recours systématique aux métaphores dans la conception d’interfaces.)
La représentation que se forge chacun des acteurs des outils qu’ils utilisent, ou plus simplement « l’histoire que chacun se raconte » à ce sujet détermine fortement la façon dont les usages vont se développer. Les auteurs de ce rapport mettent cette question au premier plan, avec raison. Non ?
Assurément, la puissance des métaphores d’objets semble bien faciliter l’appropriation intuitive des nouvelles expériences auxquelles le monde virtuel nous confrontent.
La discussion sur cette voie des métaphores me paraît liée au thème des objets pédagogiques abordé ailleurs, ici :
si de bonnes métaphores voyaient le jour dans ce domaine, peut-être trouverait-on (enfin ?) des avantages au recours à l’informatique dans le parcours de formation ?
La popularité des tableaux blancs interactifs est-elle liée à la proximité de l’outil avec l’objet familier, et à la possiblité d’utiliser doigts, férule ou télécommande pour attirer (captiver) l’attention des enfants à qui l’on a le souci de faire découvrir visuellement quelque richesse qui leur soit nouvelle, attrayante et profitable.
Xerox travaillait autrefois à une interface d’exploration fondée sur une métaphore de labyrinthe à explorer, avec des images sur les murs, mises en perspective…
La qualité des interfaces est certes un facteur important dans la facilité d’adoption d’une nouvelle technique. Mais une interface de qualité, cela ne suffit pas pour convaincre ceux qui hésitent à modifier leurs habitudes. Pour accepter ce changement, il faut être convaincu que l’on va en tirer des bénéfices réels, à un horizon proche. Ensuite seulement, la qualité des interfaces, dont les métaphores peuvent être des éléments, mais pas les seuls, peut faciliter le processus d’adoption.
Un mot sur d’autres métaphores en e-learning:
A la conférence « Digital Humanities 2006 », Jan Christoph Meister et Birte Lönneker, de l’université de Hambourg, ont présenté le projet de recherche NarrNertz (« Réseau narratif »), basé sur la métaphore de « l’apprentissage comme un voyage ».
Le système confronte l’apprenant à un problème modélisé comme une « quête » ludique, et dont la résolution est évaluée selon la progression cognitive désirée par le concepteur. Pour accélérer l’apprentissage, l’apprenant peut toujours basculer vers un guide de voyage (mode d’apprentissage avec manuel). Certaines sections du « learnflow » peuvent être obligatoires et linéaires, d’autres peuvent être parcourues et réarrangées à volonté.
Extrait de leur papier « De-constructing the E-learning Pipeline », article dans les proceedings disponibles à la Sorbonne (attention, 22 Mo…)
http://allc-ach2006.colloques.paris-sorbonne.fr/DHs.pdf
– integration of user-specific avatars with dynamically attributed ‘real-time’ properties symbolizing the user’s past progress and future navigational options at any given point in time;
– automated, personalized navigation control based on disjunctive reasoning and the concept of multiple, functionally equivalent learning paths rather than a pipeline-approach;
– representation of the newly acquired skills and knowledge elements in the form of a personalized dynamic conceptual glossary; glossary entries can be cross-referenced, individually annotated and linked to content elements of the course.
Des métaphores à examiner :
D’abord, un pompage (éhonté ou ignorant) de travaux du PARC (cf. passim sur ce blog) :
Le département de recherche de Microsoft montrait naguère une interface pour le moins intéressante, la ‘TaskGallery’, qui permet de mettre en perspective les objets ou outils dont peut disposer une session de travail.
Une perspective « Borrominienne » — amateurs de visites romaines, à vos Guides —, pleine d’idées à mettre en œuvre sur un TBI ?
http://research.microsoft.com/ui/TaskGallery/video.mpg
Long à charger et lent à arriver au point intéressant, mais vaut vraiment la peine d’être regardé!
Ensuite, passionnant, stimulant par sa prise en compte de la réalité vécue pour quiconque fait des piles de documents hétéroclites sur son/ses bureaux physiques ou virtuels et gère tant bien que mal quotidiennement son désordre intellectuel :
http://honeybrown.ca/Pubs/BumpTop.html
(Téléchargez à partir du miroir norvégien si ça résiste ailleurs, vous ne perrez pas votre temps.)