Voici le texte que Richard Nash a publié au moment du lancement du site Red Lemonade
Vingt sept mois après mon départ de Soft Skull, mon petit dernier vient de venir au monde : Red Lemonade a poussé son premier cri lundi matin.
C’est le premier des 50 000 maisons d’édition que Cursor va équiper dans les années qui viennent.
Voyez-vous, lorsque j’ai quitté Soft Skull les gens me disaient : « Est-ce que tu vas lancer un nouveau Soft Skull? ». Et je répondais : « Non, le monde a déjà Soft Skull, il n’a pas besoin d’en avoir un second. En fait, le monde n’a pas besoin d’une maison d’édition indépendante de plus. Il a besoin de 50 000 maisons d’édition supplémentaires. »
Alors, maintenant que Red Lemonade est ouvert à tous les utilisateurs, ce qui est essentiel c’est que les éditeurs indépendants, ou bien ceux qui veulent lancer une nouvelle maison, ou ceux qui animent une communauté sur le web et aimeraient que cette communauté puisse publier des livres, s’adressent à moi, parce que Cursor est fait pour vous.
Mais Red Lemonade est une communauté, dont je suis membre moi-même, et j’ai bien sûr un faible pour elle. Alors voici mes premiers vœux à la communauté de Red Lemonade.
Le monde de l’édition est confronté à la triste réputation qui lui a été faite d’être réactionnaire et luddite, et ses habitants connus surtout pour être réticents envers la technologie et ses innovations. C’est vraiment injuste, car l’édition est en réalité au centre de deux révolutions sociales majeures qui ont considérablement modifié son statu quo ante.
La première, l’imprimerie, nous le savons et le comprenons tous dans une certaine mesure, mais permettez-moi de rappeler à toutes les parties concernées, en saluant Clay Shirky, que l’invention de l’imprimerie a bouleversé l’ordre établi, religieux et politique d’une manière que ni la radio, ni la télévision n’ont jamais pu reproduire, ces médias ayant été rapidement cooptés à des fins de propagande par les les pouvoirs économique et politique, ceux d’hier et d’aujourd’hui.
La seconde, on en parle rarement, c’est celle du commerce : les libraires ont été les premiers commerçants à faire passer les produits qu’ils vendaient de l’autre côté du comptoir, à les présenter sur des étagères accessibles aux clients, afin que ceux-ci aient la possibilité de les voir, de les toucher, d’en prendre connaissance. L’approche « centrée sur le consommateur » s’est inventée dans les librairies.
Ainsi, l’apparent radicalisme du projet Cursor, qui s’incarne ici dans Red Lemonade, ne s’oppose pas à l’esprit historique du monde de l’édition, mais entre en résonance avec. S’opposer à la technologie est aux antipodes du commerce des livres, parce que qu’est-ce qu’un livre sinon de la technologie, une technologie qui a été lissée ert comme poncée par son contact répété avec la société humaine et est ainsi la technologie la plus confortable que nous possédions, aussi évidente que les vêtements créés par les métiers à tisser.
Si j’évoque les métiers à tisser c’est pour une raison bien précise, c’est parce que c’est la Révolution Industrielle qui a produit la grande rupture qui afflige aujourd’hui le monde de l’édition, l’abandon d’un mode de production / consommation artisanal, au profit d’un mode industriel, qui a rendu l’acte hautement social de la lecture / écriture accessible à presque tous, en tout cas à ceux qui étaient alphabétisés (une exception significative, bien sûr), puis l’a déchiré et séparé. Auteurs séparés des lecteurs, auteurs séparés des autres auteurs, lecteurs séparés des autres lecteurs. Atomisés. Et cela a créé un système d’autant plus profitable, en raison de l’implacable logique des économies d’échelle, que les auteurs existaient en moins grand nombre, d’autant plus profitable que les différentes phases de production et de distribution pouvaient être réparties entre des entités et des individus spécialisés, aucun ne comprenant ce que faisaient les autres, un modèle de production Fordiste combiné avec un modèle de gestion Sloaniste.
Nous avons tendance à parler du modèle de l’édition de ces cent dernières années comme s’il était un modèle parfait, mais regardez les maisons d’éditions indépendantes qui se sont montées ces vingt dernières années, publiant des gagnants du National Book Award, des gagnants du Pulitzer, des prix Nobel. Que serait-il arrivé à ces livres auparavant ? Ils n’auraient jamais été publiés ! Ils. N’étaient. Pas. Publiés. Bien sûr certains l’étaient, mais beaucoup ? Nous ne saurons jamais combien de magnifiques œuvres de culture n’auront jamais été publiées par ces hommes en costume de tweed qui ont tenu les rênes de l’édition au siècle passé, et ce n’est pas parce qu’ils ont publié certains bons livres qu’ils n’ en ont pas ignoré beaucoup plus d’excellents.
Ainsi nous allons restaurer, pensons nous, l’équilibre naturel de choses, l’écosystème de l’écriture et de la lecture. Les auteurs lisent. Les lecteurs écrivent. Les pages « à propos de » et FAQ décrivent et élaborent comment nous allons faire cela – les livres parlent d’eux-mêmes, comme ils ont toujours fait. Vous aurez des questions auxquels ces pages ne répondront pas, alors contactez-nous. Nous ne prétendons pas posséder toutes les réponses mais nous allons organiser et faire face à d’importantes questions ; Comment allons nous nous servir de notre intelligence collective pour prendre de meilleures décisions d’éditeur ? Comment pouvons-nous assurer l’encadrement et des conseils tout en évitant le copinage? Comment pouvons-nous exploiter la puissance de l’éditeur de talent? Comment peut-on débloquer plus de la haute valeur que les livres créent dans notre société, de sorte que nous puissions tous lire et écrire mieux?
C’est vous qui avez les réponses, pas moi. Le site possède quantité de mécanismes de feedback, vous pouvez les utiliser pour commenter, vous pouvez commenter cet article, commenter un manuscrit, vous pouvez initier une conversation, répondre aux commentaires, vous pouvez voir à quoi nous ressemblons, écouter comment nous sonnons, vous pouvez trouver nos noms et nos adresses email, nous écouterons, nous répondrons, qu’il s’agisse de questions techniques, administratives ou culturelles et ensemble nous allons replacer les livres au point le plus haut, et à nouveau transformer les relations sociales, et à nouveau lancer des révolutions.
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