On the road

La tournée du « Bus Numérique Overdrive » à travers les Etats-Unis va commencer le 10 août à Central Park. Le programme complet de cette tournée est disponible ici.

Destinée à familiariser le public avec les contenus numériques en tout genres, livres audio, livres numériques, musique, vidéo, et avec l’idée que les bibliothèques deviennent des lieux de diffusion de contenus numériques, la « Digital Bookmobile » est équipée et opérée par OverDrive, principal distributeur de contenus numériques américain, et accueillie dans les bibliothèques.

Martyn Daniels, du blog Brave New World, s’interroge :

Les téléchargements seront-ils gratuits, s’agissant d’un « prêt en bibliothèque » ? L’accès sera-t-il restreint aux résidents de la localité ? Pourquoi un consommateur achèterait-il un livre numérique s’il peut l’emprunter gratuitement ? (NdR : la question est la même avec les livres physiques…) Les emprunteurs seront-ils en mesure d’effectuer des téléchargement gratuits de n’importe où une fois qu’ils auront été inscrits ? Les titres disponibles sont-ils issus des catalogues locaux ou bien s’agit-il d’une « offre bibliothèques » proposée par Overdrive, permettant aux libraires d’utiliser sa plate-forme en marque blanche ?

Les relations entre bibliothèques et librairies n’ont jamais été aussi sensibles dans le monde physique : là, les copies et les accès étaient limités à une aire géographique et les emprunteurs avaient l’obligation de se rendre à la bibliothèque aussi bien pour emprunter que pour rapporter les ouvrages. Dans un monde numérique, ils n’ont qu’à s’identifier, télécharger, consommer, puis le fichier s’auto-détruit automatiquement au terme du délai de prêt. Comment les libraires pourront-ils entrer en compéition avec cela ?

Cette tournée est une belle idée, tout comme la sensibilisation au numérique, mais quelles seront les conséquences d’une possible canibalisation des ventes des libraires ? OverDrive sera payé, les bibliothèques continueront de payer, les éditeurs continueront de faire des ventes auprès des bibliothèques, les consommateurs accèderont gratuitement à du contenu, mais quel sera l’impact sur les royalties des auteurs et sur les librairies, dans les centres-villes comme dans les universités ?

The Brave New World est un blog qui prolonge les réflexions contenues dans le rapport du même nom, émanant du syndicat des libraires britannique, et il n’est pas surprenant d’y lire ces lignes inquiètes. Mais où mène cette inquiétude ? Pourquoi les libraires n’organisent-ils pas avec Overdrive ou un autre leur propre tournée du bus numérique des libraires ? Pourquoi ne se sentiraient-ils pas concernés comme des acteurs et non comme des victimes potentielles du grand chambardement numérique ? Chaque maillon de la « chaîne du livre », dont on a vu que le numérique la transforme en réseau, est concerné par ce que le numérique fait aux livres. Va-t-on se livrer à un concours du genre « c’est moi, le maillon qui souffre le plus ? ». Il est urgent au contraire de briser cette chaîne des victimes du numérique et d’investir le réseau, de comprendre les nouveaux enjeux, d’apprivoiser les techniques, d’expérimenter les usages, chacun dans son métier. Sans céder ni à l’enthousiasme technologique béat, ni à la grande peur du numérique.

En attendant moi j’aime bien le camion, et j’aime bien cette idée de tournée, d’événement, de nomadisme. Soudain, le numérique prend la route.

Mise à jour, 20 janvier 2009 : on peut suivre le bus numérique via Twitter ici : http://twitter.com/DigiBookmobile/

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28 réponses à On the road

  1. Alain Pierrot dit :

    Beau comme un camion…

    Je me souviens de plusieurs opérations de promotion itinérantes des TIC pour l’éducation, la culture et la lecture hébergées par des trains aménagés, sans être capable de trouver les dates exactes.

    Qui aurait des souvenirs plus précis ?

  2. Un train reste sur des rails, il faut même l’espérer ;-)
    Ce camion est super beau et l’idée de cette tournée exprime bien une volonté, un appétit et des moyens d’entreprendre que nous n’avons pas en France.
    Comment pourrions-nous seulement rêver que nous puissions faire la même chose, et, en y incluant nos amis francophones suisses et belges notamment… Y rêver peut-être, mais, y croire ? Même moi au quotidien… que ce soit mon travail de veille ou mes RV : personne ne semble voir plus loin que l’accumulation de quelques petits sous.
    Virginie a bien raison dans son post et j’ai comme l’idée qu’elle ne répond pas seulement au rapport du syndicat des libraires britanniques ;-)

  3. F dit :

    et moi qu’ai promené mon Mac au même endroit et ils sont même pas venus voir…

    discussion en cours (voir Silvae, Fabula…) sur : devrions-nous pousser pour constitution d’une mutualisation des ressources numériques qui soit un « Overdrive » de langue française ?

    Le réseau CAREL va dans ce sens :
    http://www.bpi.fr/ress.php?id_r1=688&id_c=141

    mais reste encore bien embryonnaire…

    A part ça, j’en ai VRAIMENT MARRE de ces discours sur la « cannibalisation » des ventes en librairie – quand on parle et qu’on défend la littérature, tout le monde y gagne, et bien sûr la défense des ventes en librairies – et on prend le web littéraire comme bouc émissaire, alors que des pans entiers du commerce traditionnel de l’édition (dicos, voir Quid etc, mais en ce moment et massivement les guides de voyage – les livres de cuisine résistent, mais la part qu’ils prennent dans l’économie de certaines maisons d’édition ça ne rassure pas) eux sont déjà passés au numérique.

    Et la question est beaucoup plus celle de la disponibilité des contenus : suis stupéfait de l’usage que je fais de ma Sony, mes lectures du soir, St Simon ou Mémoires d’Outre Tombe, désormais je les préfère sur liseuse – et je serais prêt à m’acheter un Simenon complet, un Gracq ou un Michaux etc…

    quant aux mômes, l’utilisation de l’ordi c’est quand même plus YouTube ou MSN ou leurs blogs : si on n’est pas présent avec des contenus exigeants sur ce même terrain où ils sont, on se condamne à terme tous ensemble

  4. F dit :

    dans le plus récent billet de Brave New World « the eBook race » :

    Is the ebook reader we know today doomed? Today they don’t add that something, so special, they are a must have one. Neither do that present a cool style icon, that makes them a ‘must to be seen with’. Lets be honest the Kindle took three years to develop and the design says it all. The Sony forgot the interaction, gave us a screen, a carrying case and an umbilical cord back to the PC and the iLiad tried but got the economics, the look and marketing all wrong.

    et plus loin :

    The issues that will determine success are availability of the right content, ease of use, functionality, interoperability, price and the feeling that it’s got some life expectancy. We haven’t found one today that we would want to spend more than $50 to $100 on and treat as a gimmick, or as a potential throw away.

    ça ne remet pas en cause, de mon côté, l’usage que je fais déjà du Sony, irréversible, et je le revendrai volontiers pour mieux quand y aura une version 3, mais difficile de ne pas être d’accord…

    c’est peut-être là où, pour revenir à la discussion principale, on touche un enjeu de société : jusqu’à l’imprimerie, la circulation des écrits était en dehors de la sphère marchande – voir comment Rabelais écrit les farces du 1er Pantagruel pour que l’imprimerie où lui et ses amis impriment leurs traductions et livres savants puisse disposer d’un livre à vendre sur les foires – nous ne connaissons plus, pour le livre, que l’interface industrielle et marchande, encore plus depuis le livre de poche – or l’irruption du numérique revalide l’accès à une circulation non-marchande de l’écrit : c’est plein de contradictions (c’est important pour moi disposer d’un Quichotte sur mon ordi ou la Sony, mais quel dommage que ce soit la trad Viardot) mais ça ne peut en aucun cas se réduire à la discussion sur la gratuité

    surpris à New York, dans la Borders de Columbus Circle ou le Barnes Noble de Lincoln Center, de la taille des salles pour lectures auteurs – et événements littéraires payants, où on réserve sa place par le Net pour les confs ou lectures des auteurs – des librairies majeures (Mollat Sauramps Ombres Bl pour la province) sont quasi déjà sur ces fonctionnements là, moins le payant – et dans ces mêmes Borders ou Barnes, indisponibilité caricaturale d’auteurs contemporains importants, comme Luc Sante, qui sont pourtant les plus actifs dans ces circuits lecture – la « best-sellerisation » galopante on en prend aussi le chemin ici – je vire résolument de mon « univers » netvibes les blogs qui marchent dans la combine « Houellebecq en octobre » et ce genre de trucs

    si la liseuse, même à 200 euros, me permet de lire avec l’ergonomie du livre des textes d’aujourd’hui, dans d’autres modes de circulation, et dans une logique hors droits d’auteur et hors main-mise de l’ancienne « chaîne du livre » cad les diffuseurs, et une bibliothèque d’exigence (domaine public va jusqu’aux auteurs disparus dans les années 30 : j’ai un Malte Laurids Brigge, du Kafka etc), la transition sera peut-être violente, mais si on veut survivre en tant qu’auteurs difficile de ne pas prendre le risque d’aller skier là

  5. Renaud dit :

    Il est très joli ce camion ! Inimaginable en France, hélas, trois fois hélas. Et le billet est au moins aussi intéressant que le camion est photogénique.
    Est-ce qu’on aura une photo du camion dans le Bronx ? ;-)

    La réflexion de François est très intéressante. Les américains sont à fond sur la vidéo. Des entrepreneurs français partent en Californie pour monter des start-up orientées contenu vidéo. Voir également les commentaires vidéos sur Amazon US.

    La mutation sera peut-être plus profonde comme le laisse entendre François. L’écrit sera sans doute bousculé. Allons-nous vers une société « orale » comme en Afrique ? Il n’y qu’à regarder comment les jeunes s’expriment le net…

    D’un autre côté, lorsque l’on parle reader, il ne faut pas uniquement penser « classiques » ou « roman ». Il y aussi les BD, mangas, beaux livres, livres photos,… Évidemment, sans la couleur, c’est un peu léger mais quand même pas inintéressant. Je rêves d’un reader HD avec de belles couleurs qui me permettent de zoomer pour scruter les moindres détails – entre autres – de la Joconde (impossible à contempler au Louvre).

    Entre écrit et oral, il y a un continuum à explorer.

  6. Catherine Demontpion dit :

    Contrairement à ce que l’on peut croire, les libraires connaissent et utilisent les nouvelles technologies. Mais ce que nous défendons n’est pas uniquement notre gagne-pain (sachant que le libraire, dans la grande chaîne du livre, n’est certainement pas celui qui récolte le plus!), mais surtout une autre façon de voir la littérature et le livre en général. Lire n’est pas un acte réservé à une élite intellectuelle, mais est ouvert à tous grâce à la grande diversité des styles et des auteurs pour tous les âges. Les différents appareils permettant de lire des livres numériques ne sont pas à la portée de toutes les bourses, que ce soit pour l’achat de l’appareil et les téléchargements ultérieurs. Or, contrairement à ce que l’on peut croire, la majorité des livres sont à des prix très abordables.
    Et puis, est-ce qu’un site internet quelconque sera capable de renseigner le « lecteur numérique » sur l’intérêt d’un livre par rapport à un autre ? Si vous revenez un peu à la réalité, vous vous rendrez compte que la majorité des lecteurs (grands ou petits) recherchent des conseils pour justement ne pas dépenser de l’argent inutilement dans un livre qui ne leur conviendra pas. Autrement dit, la machine ne remplacera pas le libraire ! Et quand je vois des textes comme ceux qui sont sur ce blog, j’ai l’impression que leurs auteurs dans un monde de science-fiction total !
    C’était le point de vue d’une libraire, une réelle pas une virtuelle !

  7. F dit :

    c’est bien ce syndrome d’opposition que je trouve dommageable : qui vous permet de nous traiter comme des ennemis ou des ignares, ou d’imaginer qu’on ne sache pas ce qu’on doit chacun à nos libraires habituels ou préférés ? et que l’intérêt qu’on porte à ces techniques et usages neufs vienne en opposition à notre goût du livre ? – alors merci pour les prescriptions de retour à la réalité : aucun de vos clients d’ailleurs, bien certainement, n’ont d’ordinateur à la maison – quelle caricature ce genre d’expression « aucune machine ne remplacera le libraire » : mais qui a jamais dit ça ?

  8. michèle pambrun dit :

    Une constatation toute factuelle : je n’ai jamais autant acheté et lu de livres que depuis lecture assidue de TL. (Pardon pour ce qui peut sembler prosélytisme, mais bon sang on ne peut pas toujours se taire). C’est comme ça : croissance exponentielle de lecture écran et lecture papier.

  9. @Catherine :
    <>
    Un site quelconque, non. Mais demain le Web 3D via lequel l’internaute lecteur et le libraire, où qu’ils soient tous deux sur la surface du globe, pourront échanger et converser par le truchement de leurs avatars respectifs, oui.

    A vous lire (et à lire le récent rapport Alire-SLF) j’en arrive à me demander si au fond la partie noble du métier de libraire n’est pas très proche, vraiment très proche, de la mission de bibliothécaire (?)
    Je me pose parfois une question : pourquoi les personnes qui exercent le métier de libraire ne sont-elles pas devenues bibliothécaires ?
    Si quelqu’un(e) a une réponse :-)

    Il est d’ailleurs intéressant de constater que de très nombreuses bibliothèques, dont une francophone, testent des solutions pour le Web 3D de demain dans Second Life, alors que les libraires y sont absents.
    Excepté Amazon, eh oui ;-( qui a une île pour ses développeurs.
    Science-fiction ? ;-)

    Quant aux prix des nouveaux dispositifs de lecture ils vont prochainement baisser et un jour, tout le monde ou presque, en sera possesseur, tout comme, en quelques années seulement, tout le monde ou presque a acquis un téléphone portable.

  10. @Virginie
    Merci pour votre longue intéressante et argumentée réponse :-)

    Mais si l’on remonte loin dans le temps, différentes fonctions comme imprimeur éditeur libraire bibliothécaire… n’étaient pas distinctement séparées comme aujourd’hui.

    Maintenant si l’on se projette dans l’avenir, je me demande si, certaines tout au moins, ne vont pas de nouveau fusionner.
    Ce que vous dites de la distinction et surtout de la complémentarité libraire / bibliothécaire est fort juste aujourd’hui. Mais demain ?
    Avec la « dématérialisation » entre guillemets des livres, le passage à une économie de l’accès, la location d’ebooks, le téléchargement au chapitre, les livres à la carte, la gratuité des ouvrages du domaine public (c’est déjà le cas aujourd’hui), et cetera !
    En clair je me demande, poursuivant peut-être en cela modestement les réflexions d’Alberto Manguel, si, au fond, la bibliothèque (publique ou privée) n’est pas le milieu naturel du livre et si le 21e siècle ne verra pas une fusion des rôles de libraires et de bibliothécaires pour donner naissance à une nouvelle fonction d’aiguilleur de textes, en quelque sorte…

  11. F dit :

    en relisant l’autre jour « l’histoire de la lecture » d’Alberto, j’étais comme Lorenzo stupéfait par la façon dont ça résonnait avec nos problématiques d’aujourd’hui (en particulier chapitre sur Gutenberg/Alde Manuce) – et dans mon Netvibes les problématiques bibliothécaires tiennent une place de plus en plus grande – c’est un des basculements en cours

    merci, Virginie, pour cette très belle réponse, qu’on pourrait tous partager, concernant librairie et révolution numérique

  12. Très intéressante discussion… il me semble que ce qui est en question, au delà du rapprochement effectif entre libraires et bibliothécaires, c’est l’évolution profonde des métiers qui sont en position d’intermédiaires, les métiers qui possèdent une valeur symboliques parce qu’ils reposent sur la confiance et la transmission. Les problématiques sont en effet proches pour les libraires, bibliothécaires, mais aussi les journalistes, les enseignants… (même les médecins d’une certaine manière) tous les métiers en rapport avec de la diffusion de contenus. C’est Fbon dans ses remarques à l’occasion du rapport sur le livre numérique qui disait très justement que  » l’enjeu central : retrouver ou construire sur Internet les processus de validation symbolique dont l’édition traditionnelle est encore le principal dépositaire, dans son lien organique avec critique littéraire en pleine crise ». Au delà de l’édition, il me semble que c’est la question de la crédibilité, celle de la recommandation pour libraires, bibliothécaires, la légitimité de l’enseignant ou du formateur, le talent du journaliste. Le débat qui a lieu en ce moment sur le journalisme (voir le blog novovision notamment) est passionnant parce qu’il met en lumière qu’à l’heure où ces processus se réinventent, les mauvais journalistes ou les bons, ou juste ceux qui ne maîtrisent pas les codes du web deviennent invisibles, alors que ceux dont le média (ex: blog) est adapté aux pratiques d’internautes de plus en plus nombreux sont mis en lumière parfois de manière excessive. (le mythe du blogueur influent). Ça me semble typique de la révolution en cours. C’est très intéressant, parce que ça montre que nos métiers, très proches ne peuvent se rendre légitime aux yeux des gens que s’ils sont présents dans les flux majeurs du web. La légitimité traditionnelle de l’éditeur, du libraire ou du bibliothécaire DOIT se réinventer. C’est plus qu’une adaptation, je suis d’accord, c’est une question de « valeur symbolique ».

  13. Alain Pierrot dit :

    Pour fonctionner, les valeurs symboliques ont besoin d’une matérialité reconnaissable, de lieux identifiables et d’une durée afin de s’installer largement — pour un temps.
    L’opacité et le renouvellement accéléré de techniques numériques opaques grèvent sévèrement la possibilité de créer du symbolique sans relais dans le réel en demandant constamment à l’utilisateur final de construire ses propres critères d’évaluation.

  14. Catherine Demontpion dit :

    Je constate que le débat est loin d’être serein, des deux côtés. En réponse à F.: non, je ne vous traite pas comme des ennemis ou des ignares et je n’ai pas écrit cela dans mon commentaire ! Et non encore, mes clients ont des ordinateurs ! Même si je suis dans une petite ville de province, ce n’est pas non plus une ville « d’illétrés » et « d’arriérés ». L’éternelle opposition entre les grandes villes et la province ?
    Ce que je constate simplement chaque jour c’est le décalage entre ce qui est écrit sur internet et ce que je vois et j’entends dans ma librairie. Quand je parle de scénario de science fiction, c’est pour montrer ce décalage: les personnes que je côtoie semblent plus rechercher des relations avec une personne qui pourra leur conseiller un livre répondant à leurs attentes. Certes, ils vont sur internet ou regardent des journaux ou des magazines. Ce qui ne les empêche pas de me demander des conseils en tant qu’intermédiaire peut-être plus « neutre » que certains critiques littéraires (et ce n’est pas une critique envers les journalistes qui commentent les livres!).
    Périodiquement, on a annoncé la disparition du livre: avec l’introduction de la radio ou de la télévision dans les foyers, avec l’apparition des ordinateurs, des jeux vidéos, de la télévision numérique. Mais chaque fois, le livre est resté relativement solide et a évolué avec le temps. Pourquoi en serait-il autrement maintenant ? Pourquoi, sous prétexte d’une évolution incontournable de la technique, doit-on tout accepter ? Je connais beaucoup de personnes qui ont une télévision mais qui ne la regardent pas, d’autres qui n’en ont pas. Certains ont fait le choix de ne pas avoir de téléphone portable. C’est cela qui est intéressant: la diversité des modes de vie et des modes de consommation également.
    Je vous conseille la lecture d’un article excellent (sur internet!) intitulé « Is Google making us stupid? », écrit par un journaliste du très réputé magazine « The Atlantic ». Un article sérieux et édifiant.
    Quand au rôle des libraires et des bibliothécaires, il est certes appelé à changer, ce qui me semble évident et indispensable. De là à imaginer une fusion entre les deux…

  15. bruno Rives dit :

    La période pendant laquelle la fusion auteur/éditeur/imprimeur/diffuseur/libraire a été la plus forte est sans doute 1500-1520, mais rapidement, le livre moderne a demandé des relais pour toucher plus d’auteurs, plus d’éditeurs, plus de bibliothèques, plus de lecteurs.
    Car le point est là. Un auteur cherche à être lu, l’éditeur veut des formats riches et une diffusion qui ne lui coûte pas trop cher, et un lecteur a besoin de choix.
    L’Internet et les dispositifs de lecture répondent mal à ces attentes: les auteurs et les éditeurs sont contraints à des modèles souvent inacceptables; les diffuseurs ne peuvent payer des mots-clés 8€ comme c’est en moyenne le cas sur Google; les lecteurs veulent (et les auteurs valent mieux que ces « choses » qui ressemblent rarement à des livres).
    En outre, le papier électronique va induire des modèles différents du livre électronique « classique ». Il seront très proche de ceux du support traditionnel, et les dispositifs ne vont plus avoir l’obligation de passer par l’Internet pour communiquer. Ainsi, la chaîne du livre pourrait trouver une évolution naturelle de ses métiers.
    @ Catherine Demontpion
    Vous entrez dans un groupe qui a déjà pas mal échangé, sachez que certains d’entre nous sont passés sur ces sujets par de nombreux cycles enthousiasme, perplexité, abandon, reprise, etc. et ce n’est pas fini. Et merci de nous rappeler que 19000 libraires réels ou virtuels sont là pour le plus grand plaisir des auteurs et des lecteurs. On ne l’avait pas oublié…

  16. bruno Rives dit :

    @Francesco Boni
    Si tu pouvais juste appeler Aldo Manuzio par son nom ou par ses formes latines qu’il utilisait pour ses éditions, il en serait ravi.
    Il n’aimait pas trop les Français qui copiaient ses livres et avaient détruit les textes de son ami Pic de la Mirandole. Non simplement pour le manque à gagner, mais ils imprimaient mal et surtout retiraient le plus important, la préface, pour ne pas se faire piquer. Or, c’était souvent là que le plus important était dit.
    @F
    Je suis avec beaucoup d’intérêt ton expérience reader et celle de Bernard. Il faudrait refaire une séance de comparaison, d’avis sur le sujet, de retour d’expérience.

    Pour compléter ce que j’ai écrit, il faut souligner qu’avec l’Internet, les métiers auteur/éditeur/imprimeur/diffuseur/libraire peuvent de nouveau se trouver en un même « lieu ». Ce lieu pouvant être, avec le web2.0, l’association virtuelle de plusieurs entités différentes, pourquoi pas. Voir Zoomii sur Amazon, ou les libraires sur GoogleMaps. Mais je n’ai aucune idée de l’importance que cela peut prendre.

  17. F dit :

    dear Bruno,

    merci du rappel AldoAldus, d’autant plus impardonnable que j’ai lu et apprécié ton livre

    côté publie.net, la discussion lancée ici par V est en plein centre de nos préoccupations : disponibilité numérique des tentatives et expérimentations d’aujourd’hui – développement éditorial de textes contemporains en fonction du support de lecture privilégié « ordinateur(s) »

    pour l’instant, on se retrouve effectivement à rassembler la totalité de la chaîne, puisque travail avec l’auteur pour la phase correction mise en page, et que préparation exploration des différents formats ne peut être vraiment déléguée, puisqu’en l’étape actuelle on a tout à inventer – et pour la diffusion, idem, bouche à oreille et téléchargement direct depuis le site, d’autant plus que ces textes ne peuvent exister autrement que dans leur accompagnement de flux, leurs éléments de présentation, encore plus vitaux s’il s’agit de jeunes auteurs ou d’auteurs inédits, et la communauté qui les porte

    je suis d’autant plus heureux de ces échanges et rencontres, la porte ouverte à toute collaboration et proposition – que ce soit côté FeedBooks, Immatériel, Place des Libraires, chacun développe sa ligne forte, et on voit progressivement se dégager ce qu’on peut s’apporter les uns aux autres (en terme de webservice, de mutualisation des ressources, de pôle commun de diffusion qui puisse alors être repris par les acteurs essentiels que sont les libraires)

    tout en étant conscient qu’on est encore dans la pré-histoire de tout ça, d’où sans doute la méfiance des éditeurs traditionnels qui auraient pu en être les porteurs privilégiés – de mon côté, évidence qui grandit que ceux qui recourent le plus aux téléchargements sont aussi ceux qui lisent/écrivent sur les nouveaux supports, et non pas le « portage » de l’édition traditionnelle (archives, textes épuisés etc) vers les supports numériques – en même temps, la part de plus en plus congrue du « contemporain » dans l’édition/critique fait qu’on voit arriver de plus en plus d’auteurs progressivement conscients que désormais c’est ça ou rien

    très heureux aussi d’avoir pu commencer d’explorer synergie (voir sur publie.net textes de Dominique Dussidour) entre livre publié et dossier numérique spécifique, et que des éditeurs (Laurence Teper pour DD) prennent le risque

    et heureux de constater, même si c’est encore du compte-goutte, comment ceux qui ont investi dans « liseuse » acceptent plus volontiers la démarche – l’idée que la lecture soit « nomade » ou multi-support, qu’on puisse passer du livre/liseuse à une recherche d’occurrences sur texte numérique, à une version eBook qu’on lira dans les transports etc, il y a une demande, mais pas au (presque) prix du papier, ou d’un choix exclusif papier/numérique

    je termine avec note qui n’est pas de catastrophisme, mais d’appel : oui, quand on prend goût au Sony et qu’on y a transféré une large bibliothèque, incluant des docs de travail, incluant des blogs ou de l’actu reformatés via l’appli de FeedBooks, on se passe aisément du livre – des lectures pour moi importantes, Proust, Balzac, St Simon, je préfère le soir lire sur Sony que sur Pléiade

    ça pose des tas de pbs et des tas de perspectives : disponibilité des appareils critiques (à voir aussi en sens inverse : le Pléiade pour la partie texte, le numérique pour les dossiers d’accompagnement), disponibilité effective d’une prescription « de proximité », bibliothèque et librairies (là Place des Libraires a un train d’avance)

    hier soir, par exemple, en faisant du rangement (par exemple, je n’ai plus de dictionnaires – Grévisse/Robert/Littré – dans mon bureau : si je suis au boulot, je les consulte en ligne), le coût d’une Sony, ce n’est pas en terme de prix du livre qu’il faut l’exprimer, mais seulement en comparaison coût des étagères chez IKEA ou autrefois « La maison de la bibliothèque »

    mais, sur tout ça, « ici » comme dit Virginie, on serre les coudes : ce qu’on appelait « chaîne du livre » a la capacité d’être totalement elle-même en chacun de ses points – ce qui veut dire que, de chacune de nos positions de départ, imprimeur, éditeur, auteur, libraire – voire bibliothécaire – on a à réfléchir et agir sur une totalité de chaîne, indistinctement de ce point de départ – mais si l’enjeu reste la tâche de communauté, de civilisation même, qu’est la lecture, on reste ensemble dans cette reconfiguration

    là-dessus, vive la rentrée littéraire (je retourne à mon inDesign et mes pdf)

  18. F dit :

    je ne voudrais pas prendre trop de place chez toi, Virginie, mais j’aurais bien aimé que la discussion rebondisse sur le début de ton post :

    Les téléchargements seront-ils gratuits, s’agissant d’un “prêt en bibliothèque” ? L’accès sera-t-il restreint aux résidents de la localité ? Pourquoi un consommateur achèterait-il un livre numérique s’il peut l’emprunter gratuitement ? Les emprunteurs seront-ils en mesure d’effectuer des téléchargement gratuits de n’importe où une fois qu’ils auront été inscrits ?

    pour publie.net, on prend le risque du non-drm : que les étudiants et lecteurs accrochent à un texte, et on peut espérer qu’ils suivent autres liens vers l’auteur, textes supplémentaires, ou contribuent à faire inviter cet auteur pour lecture etc…

    à Beaubourg, les textes publie.net s’affichent sur les ordis de consultation, mais sans possibilité de copie sur supports mobiles, et c’est souvent le cas dans les bibs, donc l’abonnement vaut protection

    mais dans le cas où les ordis bibliothèque permettraient le transfert, le texte accessible est uniquement le PDF standard, et non pas les différentes déclinaisons que nous proposons pour Sony, iPhone, prc etc…

    ça renvoie en fait à la question plus fondamentale des droits d’auteur : le texte électronique n’est pas considéré comme livre (encore cet aprem, je lisais la nouvelle « charte » de l’édition en région, proposée par divers CRL comme critère d’accès à soutien : la diffusion en librairie est un de ces critères, donc excluant tout dialogue avec édition numérique) – on paye TVA à 19,6% sur le moindre téléchargement PayPal et sur les abonnements : dans ce cadre, on est en dehors de la reconnaissance juridique comme livre, et nous ne relevons ni de l’Agessa ni du « prêt payant », mais renvoie plutôt aux modes de diffusion presse et revues

    voir récent billet de Silvae, avec 2 idées essentielles, une sur le « temps » de lecture (pour les magazines) et l’autre sur la notion de « service » – avec une plate-forme coopérative comme publie.net, toujours dans l’idée qu’on fait rémunérer le « service » (préparation, formats, dispo, serveurs) et non pas le contenu, d’où en partie l’effervescence des discussions avec amis de la SGDL…
    http://www.bibliobsession.net/2008/04/23/et-si-on-proposait-des-magazines-numeriques-dans-les-bibliotheques/

  19. Alain Pierrot dit :

    Côté TVA, une avancée de l’Europe vers la reconnaissance du statut culturel des livres audio, proposés à la TVA taux réduit d’ici 2011, sans poursuites vers la Suède qui a devancé la régulation.

    Le problème comme tu le dis n’est pas au niveau du livre mais au niveau de la prestation culturelle. Là tout est à inventer, dans un domaine où il me semble que nous n’avons guère à attendre de l’histoire sinon des impasses :
    horreurs variées du mécénat et du clientélisme (Renaissance italienne)
    contraintes de la politique publique et de l’evergétisme (Grèce classique et alexandrine)
    faillites variées des ‘industries culturelles’ (XIXe XXe siècles) autant que des galéristes et marchands d’art de la fin de la période

    Agents et organisateurs de spectacles ?
    éco-systèmes mutualisés de d’animateurs/médiateurs culturels à la mode des aèdes/griots/troubadours/trouvères ou — troupe du Septième sceau ?
    Le sort des artistes itinérants du monde rom ?

    Les besoins de médiateurs littéraires — culturels — des sociétés humaines ne sont pas jusqu’à ce jour compensés de manière rassurante.

  20. bruno Rives dit :

    Concernant les droits, je crois que notre raisonnement est faussé par les analogies qu’on fait avec les seuls modèles de l’Internet. Mais il n’y a pas que l’Internet dans la diffusion des livres. Une transaction entre une borne de bibliothèque (ou un mur de sélection, ou une SD) et un reader vide, avec du contenu qui se lie au reader, c’est fort envisageable. C’est un peu ce que fait SFR et qui plaît bien aux éditeurs et aux auteurs. Ou encore ce que fait Apple avec l’App Store. Transparent pour l’utilisateur, bien malin celui qui va pouvoir démêler les fils entre contenus, application, OS et hardware. Sony a établi avec NTT un système analogue pour la musique diffusée sur mobile, et Nintendo pour les jeux sur DS, par le truchement de cartouches rechargeables.

    Autres pistes, rémunérer le service de sélection, d’agrégation, comme le soulève François, ou les clés et leur mise à disposition (modèle classique type d’une bibliothèque, non?). Ce serait dans la logique de l’évolution de l’accès à la connaissance (cf Bernard dans « Bibliothécaires, journalistes même combat? » ou ce que je présente comme rupture dans mon l).

  21. bruno Rives dit :

    … dans mon observatoire lors de sessions avec les bibliothécaires).

  22. bruno Rives dit :

    @Virginie
    Comme quoi, la communication… Je parlais là de transparence dans l’interface utilisateur, l’ergonomie. C’est effectivement parfaitement opaque d’un point de vue de savoir où, quoi, qui, d’où mon « bien malin celui qui va pouvoir démêler les fils entre contenus, application, OS et hardware ».
    Suivons bien ces nouveaux entrants dans l’édition électronique que sont Apple, Amazon, SFR et NTT Docomo. Leurs modèles plaisent car leurs services sont simples à utiliser, simples à facturer.

  23. Christian Fauré dit :

    Tiens, c’est mon écran où Virginie à retouché le dégradé de son header sous wordpress … une envie de refaire le design ? ;-)

  24. Virginie dit :

    Changé moi ? Non ! Jette tout de suite ton écran à la poubelle et file t’en acheter un neuf, tu verras.
    Bon, t’as le droit de te moquer… Mais pas trop quand même. Enfin si tu veux (si vous voulez tous…) te/vous moquer un peu plus, j’ai préparé une image pour remplacer ce machin bleu pas terrible, mais c’est le souk pour remplacer cette image dans ce thème de wordpress, c’est pas juste une image à substituer, parce qu’il y a tout un code qui permet justement de réaliser ces subtils dégradés. J’ai examiné l’affaire quelques minutes, puis j’ai remis ça à plus tard…

    Pour parler design, j’ai vu que tu avais fait peau neuve toi aussi, tu vois, je ne te lis pas seulement dans mon agreg, parfois je viens vraiment chez toi en vrai… C’est bien, ça change !

  25. F dit :

    c’est gentil de vous entendre… c’est vrai que le new look fauréen est très percutant… mais pas de quoi regretter mon vieux spip pour passer à wordpress!

  26. ms dit :

    Infiniment de ces choses me dépassent alors j’écoute sans rien dire, mais enfin j’ai quand même une image dans mon bandeau d’accueil wordpress…

  27. F dit :

    intéressant rebond de Renaud sur cette discussion, qu’il cite, ici :
    http://blog.attrape-coeurs.com/post/2008/07/22/publienet-Wagon-Jacques-Serena#c8260359

  28. Dominique Hasselmann dit :

    Même si beaucoup de choses me passent ici par-dessus la tête, j’aime simplement ce semi-remorque, image de semis numérique.

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